Archives quotidiennes : 9 juillet 2016

ITV Pascal LOKIEC, Professeur de droit du travail à l’Université Nanterre/La Défense à propos du Projet de loi Travail

itv France-Inter 09 07 10 : Synthèse

La teneur du débat sur le Projet de Loi Travail

Les discussions  sur le projet de loi Travail ont vivement surpris dans la manière dont a tourné le débat qui s’est caractérisé non seulement par une rupture du dialogue social avec les réactions qu’il a suscitées mais aussi du dialogue politique avec l’utilisation du 49-3.

Le projet de loi aurait dû donner lieu à un vrai débat juridique compte tenu de l’importance des modifications qu’il entraine dans le droit social français.

Pour mémoire, la fonction première du droit du travail est d’assurer la protection des salariés, ce qui demeure fondamental. Cette protection est nécessaire en raison du lien de subordination juridique qui caractérise la relation de travail ; elle ne peut constituer une option, même au nom de la lutte contre le chômage. Et ce d’autant plus que le lien de causalité entre lourdeur du code du travail et taux de chômage n’est pas démontré

Les critiques portées sur le Code du Travail

Le code du travail est complexe : certainement pas plus que le code du commerce ou le code des impôts…

Le code du travail français est volumineux : certes mais plus que d’autres. A titre d’exemple, le code du travail italien comporte 2015 pages sans insertion de la jurisprudence (3000 pages pour le code français avec insertion de la jurisprudence ; 600 pages sans).

La simplification du Code du Travail

Elle est nécessaire. Cependant le projet de loi travail ne procède pas à cette simplification : la modification de l’architecture et les nouvelles logiques proposées ne vont pas rendre la réglementation plus simple. Et ce d’autant plus que l’objectif initial de la réforme était de simplifier la gestion des petites entreprises qui ne disposent pas en interne de juriste et de responsable RH.

C’est pourquoi la solution n’est pas de faire un nouveau code mais de revoir la manière d’assurer son application ; cela passe par le développement d’une politique d’accès au droit. Il est évident que les grandes entreprises pratiquent déjà largement la négociation d’entreprise ; l’exemple récent de l’accord conclu par PSA en matière de flexibilité le démontre aisément. En revanche, les petites structures n’auront pas les moyens d’utiliser l’accord d’entreprise pour introduire plus de flexibilité.

Des adaptations sont à faire car le concept de la subordination juridique classique ne correspond plus à la situation d’un certain nombre de salariés qui se trouvent dans une relation différente s’apparentant davantage à une autonomie contrôlée. Leur travail n’est plus lié à un lieu ou à un temps de travail, mais au seul résultat de la prestation convenue. Si ces éléments sont à prendre en compte, la protection de ces salariés doit être assurée. Dans le même registre, le dispositif de forfaits-jours doit être encadré pour éviter les risques auxquels il peut exposer les salariés.

 

L’impact des nouvelles technologies

La généralisation de leur utilisation a créé un nouveau rapport au temps et constitue dès lors un enjeu majeur du droit du travail. Le projet de loi Travail opère un premier pas pour prendre en compte la disparition des frontières spatiales et temporelles.

Cependant il ne s’agit pas véritablement d’un droit à la déconnexion mais d’une obligation de négocier sur la déconnexion ; à défaut de conclure un accord, l’employeur devant poser les règles unilatéralement via une charte.

Il faut aller plus loin pour assurer également une protection des travailleurs économiquement dépendants (sous-traitants, indépendants…) qui constituent des parties faibles notamment pour ce qui touche à la rupture de la relation et au chômage.: c’est également un autre enjeu important du droit des relations professionnelles.

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