Par 3 arrêts rendus le 6 juillet 2016, la Cour de cassation a retenu que seule une ingérence anormale d’une société d’un groupe dans la gestion économique et sociale d’une autre société de celui-ci peut caractériser une situation de co-emploi.
Ce type de litige vise à faire reconnaître une société mère ou dominante responsable solidairement des conséquences financières de licenciements économiques faisant suite, soit à des réorganisations, soit à une mise en liquidation judiciaire d’entreprises ou établissements implantés en France.
Si la chambre sociale maintient sa jurisprudence retenant la qualification de co-employeur d’une société mère ou dominante du fait d’une ingérence abusive dans la gestion économique et sociale d’une autre société du groupe, elle précise sa portée en exerçant son contrôle de la motivation des décisions des juges du fond sur les indices de nature à une situation de co-emploi.
*Arrêt Continental n° 14-27.266:
La Cour de cassation valide l’appréciation des juges du fond ayant conclu à l’absence de cause réelle et sérieuse des licenciements économiques consécutifs à la fermeture de l’établissement de Clairoix en relevant :°qu’il n’était justifié ni de difficultés économiques, ni d’une menace pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe; °que la fermeture du site de production de Clairoix et la rupture consécutive de l’ensemble des contrats de travail des salariés s’y trouvant affectés ne répondait qu’au seul souci d’accroître la rentabilité du secteur pneumatique du groupe.
La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens qui avait reconnu la qualité de co-employeur de la société mère de droit allemand et l’avait condamnée in solidum avec la société Continental France en retenant que ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi le fait que ° la politique du groupe déterminée par la société mère a une incidence sur l’activité économique et sociale de sa filiale; ° cette société a pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale; ° cette société s’était engagée à garantir l’exécution des obligations de cette dernière liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois.
*Arrêt Proma SSA n° 14-26.541:
Dans cette affaire la qualité de co-employeur d’une société de droit italien était soulevée à la suite de la mise en liquidation judiciaire d’une filiale française du groupe et du licenciement pour motif économique du directeur d’une usine de cette filiale.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel qui avait déduit une situation de co-emploi d’indices liés au fait que ° les dirigeants de la filiale provenaient du groupe et agissaient en étroite collaboration avec la société mère; ° la politique du groupe déterminée par cette dernière influait notamment sur la stratégie commerciale de la filiale; ° la société mère s’était engagée au cours du redressement à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l’emploi.
*Arrêt 3 Suisses France n° 15-15.481 :
Dans cette affaire était en cause la qualification de co-employeur de 2 sociétés d’un groupe de droit allemand et leur condamnation solidaire à indemniser, au titre d’un licenciement nul, les salariés de la filiale française « 3 Suisses France » licenciés pour motif économique au titre d’une réorganisation du groupe visant à recentrer ses activités sur les ventes par internet, et ayant entrainé la fermeture des boutiques ouvertes en France par la filiale.
La chambre sociale approuve la décision de la cour d’appel de Douai d’avoir reconnu la qualité de co-employeur des 2 sociétés en cause à partir d’un ensemble d’indices portant sur :°la centralisation et le transfert au sein de la société mère des équipes informatiques, comptables et ressources humaines; ° la perte d’autonomie décisionnelle de la filiale en matière de formation, de mobilité et de recrutement ; °la prise en charge de tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la filiale ;°le fait que le contrôle du service comptabilité clients de la maison mère s’exerçait jusqu’aux feuilles de caisse mensuelles que les responsables des boutiques de la filiale française devaient lui transmettre régulièrement; ° la circonstance que le service juridique du groupe international était intervenu pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l’occasion de la fermeture de ces boutiques et qu’il s’était substitué à la filiale dans le cadre des poursuites pénales contre des salariés soupçonnés de détournement d’argent au préjudice de cette dernière.
La Cour de cassation conclut à une situation de confusion totale d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion abusive dans la gestion économique et sociale de la filiale, lui ayant fait perdre son autonomie et ses prérogatives d’employeur juridiquement indépendant.
Pour en savoir plus :Cass. soc. 6-7-2016 N°14-26.541;. Cass. soc. 6-7-2016 N° 14-27.266 ; Cass. soc. 6-7-2016 N°15-15.481