Suite à la contestation portée par un groupe de députés devant le Conseil constitutionnel sur la conformité de la loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, celui-ci a validé le texte en considérant que :
-le premier alinéa de l’article 38 de la Constitution n’impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il prendra en vertu de cette habilitation.
–la procédure accélérée prévue par l’article 45 de la Constitution a été régulièrement engagée. Ni la brièveté des délais d’examen du texte, ni la faiblesse alléguée des moyens dont auraient disposé les députés nouvellement élus n’ont fait obstacle à l’exercice effectif, par les membres du Parlement, de leur droit d’amendement. Par suite, la procédure d’adoption de la loi n’a pas méconnu les exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
-en habilitant le Gouvernement à harmoniser et simplifier, d’une part, les conditions de recours et le contenu des accords de compétitivité et, d’autre part, le régime juridique de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat résultant d’un accord collectif, en prévoyant notamment qu’un tel licenciement repose sur un motif spécifique auquel ne s’appliquent pas certaines dispositions relatives au licenciement économique, le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté.
-les dispositions contestées ne sont, ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires au droit à l’emploi et au principe d’égalité devant la loi. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 38 de la Constitution, de respecter ce droit et ce principe. Les griefs tirés de leur méconnaissance doivent donc être écartés.
-aux termes mêmes de l’article 38 de la Constitution, le champ de l’habilitation peut comprendre toute matière qui relève du domaine de la loi. Est par conséquent inopérant le grief selon lequel le c du 1° de l’article 1er serait entaché d’incompétence négative.
-aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale… ». Aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Si ces dispositions confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles ne leur attribuent pas pour autant un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective.
-en habilitant le Gouvernement à faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord, à l’initiative d’un syndicat représentatif dans l’entreprise, de l’employeur ou sur leur proposition conjointe, le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnance ainsi que leur domaine d’intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté
-les dispositions contestées concernent seulement la validation d’un accord déjà conclu et ne sont, ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires à la liberté syndicale et au principe de participation à la détermination collective des conditions de travail. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 38 de la Constitution, de respecter cette liberté et ce principe. Les griefs tirés de leur méconnaissance doivent donc être écartés.
-le législateur a autorisé le Gouvernement, afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et de favoriser l’implantation syndicale et l’exercice des responsabilités syndicales, à fusionner en une instance unique les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Aux mêmes fins, il a également permis au Gouvernement de limiter à « trois, sauf exceptions », le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de cette nouvelle instance. D’autre part, le 2° de ce même article 2 habilite le Gouvernement à déterminer, pour les mêmes finalités, les conditions dans lesquelles cette instance unique exerce, si une convention ou un accord le prévoit, les compétences en matière de négociation des conventions et accords de groupe, d’entreprise ou d’établissement, en disposant des moyens nécessaires à l’exercice de ces prérogatives. Ce faisant, le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnance ainsi que leur domaine d’intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté.
-aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux… du droit du travail, du droit syndical ». À ce titre, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, les modalités de la représentation des salariés au sein des entreprises. Il était donc loisible au législateur d’autoriser le Gouvernement à fusionner plusieurs instances représentatives du personnel.
-les dispositions relatives à la limitation du nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de la nouvelle instance représentative du personnel ne sont, ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 38 de la Constitution, de respecter cette liberté et ce principe, notamment dans la détermination des exceptions à la limitation du nombre maximal de mandats électifs successifs. Les griefs tirés de la méconnaissance des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doivent donc être écartés.
-le législateur a, d’une part, habilité le Gouvernement, aux fins de renforcer la prévisibilité et de sécuriser la relation de travail ou les effets de la rupture du contrat de travail pour les employeurs et pour les salariés, à modifier les dispositions relatives à la réparation financière des irrégularités de licenciement, en fixant un référentiel obligatoire établi notamment en fonction de l’ancienneté pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exclusion des licenciements entachés par une faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité, notamment par des actes de harcèlement ou de discrimination. D’autre part, il l’a également autorisé, aux mêmes fins, à supprimer en conséquence les dispositions relatives au référentiel indicatif existant et à modifier les planchers et les plafonds des dommages et intérêts fixés par le code du travail pour sanctionner les autres irrégularités liées à la rupture du contrat de travail. Ce faisant, il a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnance ainsi que leur domaine d’intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté.
-aux termes de l’article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Il résulte de ces dispositions qu’en principe, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La faculté d’agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle. Toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée. Il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs.
-en habilitant le Gouvernement à fixer un référentiel obligatoire pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exclusion des licenciements entachés par une faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité, le législateur a entendu renforcer la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général. Il en résulte que, par elle-même, l’habilitation ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de responsabilité doit donc être écarté.
-le seul fait de prévoir un référentiel obligatoire pour l’indemnisation du préjudice résultant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pour celle de préjudices résultant d’autres fautes civiles ne constitue pas, en soi, une atteinte au principe d’égalité devant la loi. Par suite, les dispositions contestées ne sont, ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires à ce principe. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 38 de la Constitution, de respecter ce même principe. Le grief tiré de sa méconnaissance doit donc être écarté.
-le législateur a autorisé le Gouvernement à modifier les règles relatives au licenciement économique en définissant la règle selon laquelle la cause économique d’un licenciement, dans une entreprise appartenant à un groupe, est appréciée au niveau des entreprises appartenant au même groupe, situées sur le territoire national et relevant du même secteur d’activité, ainsi que les éventuels aménagements à cette règle. Ce faisant, il a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté.
-selon le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi… ». Dès lors, il incombe au législateur de poser des règles propres à assurer le droit pour chacun d’obtenir un emploi tout en permettant l’exercice de ce droit par le plus grand nombre. En habilitant le Gouvernement à prévoir que la cause économique d’un licenciement, dans une entreprise appartenant à un groupe peut être appréciée au niveau des entreprises appartenant au même groupe, situées sur le territoire national et relevant du même secteur d’activité, le législateur n’a pas méconnu le droit à l’emploi.
-le législateur a autorisé le Gouvernement à modifier les règles relatives au licenciement économique en adaptant les modalités des licenciements collectifs à la taille de l’entreprise et au nombre de ces licenciements. Ce faisant, le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnance ainsi que leur domaine d’intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté.
-le législateur n’a pas retenu des critères qui, par eux-mêmes ou par les conséquences qui en découlent nécessairement, seraient contraires au principe d’égalité devant la loi. Les dispositions contestées ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 38 de la Constitution, de respecter ce principe. Le grief tiré de sa méconnaissance doit donc être écarté.
-le législateur a autorisé le Gouvernement à modifier, à des fins de simplification, de sécurisation juridique et de prévention, les règles de prise en compte de la pénibilité au travail, en adaptant les facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail, les obligations de déclaration de ceux-ci, les conditions d’appréciation de l’exposition à certains de ces facteurs, les modes de prévention, les modalités de reconnaissance et de compensation de la pénibilité ainsi que les modalités de financement des dispositifs correspondants. Ce faisant, le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnance ainsi que leur domaine d’intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté. Il en va de même du grief tiré de l’incompétence négative du législateur, qui est inopérant.
-en adoptant les dispositions contestées, le législateur a seulement entendu autoriser le Gouvernement à tirer les conséquences, par ordonnances, des mesures qu’il aura adoptées et assurer ainsi la coordination des dispositions législatives en vigueur avec celles-ci. En retenant un délai d’habilitation de douze mois, le législateur n’a pas méconnu les exigences découlant de l’article 38 de la Constitution. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.
En conséquence le CONSEIL CONSTITUTIONNEL a décidé que sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social :
– le c du 1° et le b du 2° de l’article 1er ;
– les 1° et 2° de l’article 2 ;
– le b du 1° ainsi que les a et e du 2° de l’article 3 ;
– le 1° de l’article 5 ;
– le paragraphe I de l’article 6
Pour en savoir plus : décision du Conseil Constitutionnel du 7 septembre 2017