Dans un arrêt du 21 septembre 2017 la Cour de cassation a tranché sur l’entrée en vigueur immédiate de la réforme des contrats : une décision importante en raison des différentes interprétations possibles sur l’application des nouvelles normes issues de l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats.
La Chambre sociale de la cour de cassation s’est prononcée à propos d’une question de formation des contrats relative à la qualification de promesse de contracter ou d’ une offre.
Contexte: un joueur de rugby avait reçu en 2013 une offre de contrat de travail à laquelle était jointe une convention prévoyant l’engagement pour la saison sportive 2012/2013, avec une option pour la saison suivante, une rémunération mensuelle brute de 3 200 euros, la mise à disposition d’un véhicule et un début d’activité fixé au 1er juillet 2012. Par un courrier électronique électronique postérieur, le club avait indiqué ne pas pouvoir donner suite aux contacts intervenus. Le joueur considérait qu’il s’agissait d’une promesse d’embauche et le club d’une simple offre librement rétractable.
Décision de la cour d’appel: la cour de Montpellier a considéré qu’un contrat de travail avait été conclu et abusivement rompu : » Attendu que pour condamner l’employeur au paiement d’une somme à titre de rupture abusive du contrat de travail l’arrêt retient qu’il résulte d’un courrier électronique adressé, le 25 mai 2012, par le secrétariat du club qu’une promesse d’embauche a été transmise à l’agent et représentant du joueur de rugby, que la convention prévoit l’emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d’entrée en fonction, de sorte que cet écrit constitue bien une promesse d’embauche valant contrat de travail, que dans la mesure où le joueur a accepté la promesse d’embauche il en résultait qu’un contrat de travail avait été formé entre les parties et il importe peu que le club de rugby ait finalement renoncé à engager le joueur, même antérieurement à la signature du contrat par le joueur, que la promesse d’embauche engage l’employeur même si le salarié n’a pas manifesté son accord.
Position de la Cour de Cassation: la Cour a cassé l’arrêt d’appel en retenant que:
*sur l’entrée en vigueur de la loi nouvelle: « l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail » . Elle utilise ainsi la méthode de l’appréciation d’une norme à la lumière d’une autre en distinguant:
° offre de contrat de travail : « l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ; la rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur »
° promesse unilatérale de contrat de travail: « Attendu, en revanche, que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis »
*Sur le fond, la cour de cassation retient qu’en statuant comme elle l’a fait « sans constater que l’acte du 25 mai 2012 offrait au joueur le droit d’opter pour la conclusion du contrat de travail dont les éléments essentiels étaient déterminés et pour la formation duquel ne manquait que son consentement, la cour d’appel a violé les textes applicables ».
A retenir : l’offre de contrat n’était pas une promesse de contrat de travail, mais une simple offre de contrat de travail, librement révocable donc, dans la mesure où « l’offre » ne comprenait pas de droit d’opter pour la conclusion de celui-ci. .
Pour en savoir plus : Arrêt n° 2063 du 21 septembre 2017 (16-20.103) – Cour de cassation – Chambre sociale