Archives quotidiennes : 27 novembre 2017

Discrimination: licenciement pour refus de retrait du foulard islamique. La cour de cassation confirme la position de la CJUE

Suite du contentieux ayant donné lieu aux arrêts du 14 mars 2017 à propos du licenciement d’une  salariée intervenant chez des clients ayant refusé  de retirer son  foulard islamique

*Rappel du contexte : une salariée, ingénieur d’études, engagée par une société de conseil, d’ingénierie et de formation spécialisée dans le développement et l’intégration de solutions informatiques a été licenciée pour faute pour avoir refusé d’ôter son foulard islamique lors des ses interventions dans des entreprises clientes de la société. La salariée a contesté son licenciement sur la base d’une mesure discriminatoire en raison de ses convictions religieuses.

*Décision d’appel : la Cour d’appel  de Paris a  considéré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse en retenant que :

°une entreprise doit tenir compte de la diversité des clients et de leurs convictions et elle est amenée à imposer aux employés qu’elle envoie au contact de sa clientèle une obligation de discrétion qui respecte les convictions de chacun, à la condition toutefois que la restriction qui en résulte soit justifiée par la nature de la tâche à effectuer et proportionnée au but recherché,

°en l’espèce, une société cliente a souhaité que les interventions de la salariée se fassent  sans port de voile afin de ne pas gêner ses collaborateurs,

°la restriction que l’employeur a imposée à la liberté de la salariée de manifester ses convictions religieuses par sa tenue vestimentaire a été proportionnée au but recherché car seulement limitée aux contacts avec la clientèle, les travaux effectués dans ses locaux par un ingénieur d’études portant un voile ne lui créant pas de difficultés,

°ainsi, le licenciement ne procède pas d’une discrimination tenant à ses convictions religieuses car la salariée pouvait continuer à les exprimer au sein de l’entreprise; il est justifié par une restriction légitime procédant des intérêts de l’entreprise alors que la liberté donnée à la salariée de manifester ses convictions religieuses débordait le périmètre de l’entreprise et empiétait sur les sensibilités de ses clients et des droits d’autrui.

*Arrês du 14 mars 2017 de la CJUE suite à questions préjudicielles : à cette occasion, la CJUE  dans 2 arrêts du même jour, a précisé que :

°les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché; le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;

°la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante ;

°l’interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions au sens de cette directive ; en revanche, une telle règle interne d’une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte s’il est établi que l’obligation en apparence neutre qu’elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l’employeur, dans ses relations avec ses clients, d’une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ;

°un employeur peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ; en présence du refus d’une salariée de se conformer à une telle clause dans l’exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l’entreprise, il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement.

*Position de la Cour de Cassation dans l’arrêt du 22 novembre 2017 : reprenant les principes posés par la CJUE, elle casse l’arrêt d’appel en relevant que :

°aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur en application de l’article L. 1321-5 du code du travail

°l’interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients résultait seulement d’un ordre oral donné à une salariée et visant un signe religieux déterminé, ce dont il résultait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses,

°il résulte de l’arrêt de la Cour de justice en réponse à la question préjudicielle posée que la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une salariée portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive du 27 novembre 2000.

Pour en savoir plus : Consulter la  note explicative publiée par la la Cour de cassation sur l’arrêt rendu le 22 11 17n° 13 19 855  et le texte de la décision   https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/2484_22_38073.html

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