Par plusieurs arrêts rendus entre mars et juillet 2018, la Cour de cassation a modifié le régime social des indemnités transactionnelles : des précautions particulières s’imposent désormais dans la rédaction des protocoles d’accord transactionnels.
Jusqu’à ces arrêts, le traitement social de l’indemnité versée dans le cadre d’une transaction conclue afin de clore un litige sur l’imputabilité d’une rupture du contrat de travail (prise d’acte ou résiliation judiciaire) ou sur le bien-fondé d’un licenciement, était aligné sur celui de l’indemnité de licenciement ; pour déterminer la part de l’indemnité transactionnelle soumise à cotisations sociales, il convenait de suivre 3 étapes:
*faire masse de l’indemnité transactionnelle stricto sensu (supra-légale ou supra-conventionnelle) avec la somme éventuellement versée au titre de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
*déterminer la part du montant cumulé de ces indemnités qui était exonérée d’impôt sur le revenu, à savoir le montant le plus élevé entre soit l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (sans limitation de montant), soit le double de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat, dans la limite de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale (« PASS »), soit la moitié des indemnités versées, dans la limite de six PASS.
*la part de l’indemnité globalisée qui se retrouvait ainsi exclue de l’assiette de l’impôt sur le revenu, était elle-même exonérée de cotisations sociales à concurrence de deux PASS, soit 79 464 euros en 2018), sans préjudice des règles spécifiques d’assujettissement à la CSG-CRDS. Par exception, l’indemnité transactionnelle était assujettie à cotisations sociales dès le premier euro si son montant était tel qu’il conduisait à porter le montant cumulé des indemnités de rupture (indemnité transactionnelle comprise) au-delà de dix PASS.
Cette méthode construction a été remise en cause par la Cour de cassation dans ses arrêts des 15 mars, 21 juin et 12 juillet 2018. Les règles applicables sont désormais les suivantes :
*Ces indemnités ne peuvent plus se voir appliquer le régime social de faveur édicté par l’article L.242-1 alinéa 12 du code de la sécurité sociale, désormais réservé aux seules indemnités de rupture énumérées à l’article 80 duodecies du code général des impôts auquel il renvoie. Il s’ensuit que, dorénavant, l’indemnité transactionnelle est par principe soumise à cotisations sociales, sauf si l’employeur rapporte la preuve qu’elle concourt, pour tout ou partie de son montant, à l’indemnisation d’un préjudice (nature de dommages-intérêts).
1- il convient de réserver le cas des indemnités versées dans le cadre d’une transaction dont l’objet serait de clore un litige relatif à des créances ayant la nature d’un salaire (ex: rappels de primes ou préavis), quand bien même ce litige serait contemporain de celui élevé au titre de la rupture du contrat de travail. Dans la mesure où il appartient au juge de rechercher « la qualification à donner aux sommes objet de la transaction » en vérifiant notamment si celles-ci comprennent « des éléments de rémunération soumis à cotisations », de telles indemnités devraient être assujetties à cotisations sociales. Il convient donc, le cas échéant, de traiter formellement à part dans la transaction les sommes qui pourraient avoir la nature d’un salaire et celles qui présentent un caractère purement indemnitaire.
2- le dispositif issu de cette nouvelle jurisprudence obéit à une logique binaire :
°soit l’employeur établit que l’indemnité transactionnelle a un caractère indemnitaire, auquel cas elle devrait être, dans cette mesure, exonérée de cotisations sociales y compris pour la part de ces indemnités qui, compte étant tenu du montant qui aurait éventuellement déjà été versé au salarié au titre de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, excèderait 2 voire 10 PASS ;
°soit l’employeur ne rapporte pas cette preuve et l’indemnité devrait alors être intégralement assujettie à cotisations sociales, y compris en-deçà de 2 PASS.
3- les nouvelles règles aboutissent, à droit constant, à déconnecter le régime social de l’indemnité transactionnelle de son régime fiscal.
En synthèse, désormais, une indemnité versée dans le cadre d’une transaction destinée à clore un contentieux sur l’imputabilité ou le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, pourrait :
°être traitée comme une indemnité de rupture au point de vue fiscal (l’administration fiscale continuant d’assimiler les indemnités transactionnelles à des indemnités de rupture éligibles au régime fiscal de faveur organisé par l’article 80 duodecies du CGI) ;
°et, partant, être exonérée d’impôt sur le revenu, dans la limite des 3 plafonds prévus par l’article 80 duodecies du CGI voire même pour la totalité de son montant, au même titre que le seraient des dommages-intérêts judiciaires pour licenciement injustifié, si le salarié parvient à démontrer que la rupture est assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
°sans l’être au point de vue social, l’indemnité étant intégralement ou partiellement socialisée à partir du moment où l’employeur n’établit pas en quoi elle concourt strictement à l’indemnisation d’un préjudice.
4- la rédaction du protocole transactionnel doit éviter tout ce qui pourrait être interprété comme valant reconnaissance par les parties du fait que l’indemnité est soumise à cotisations sociales. Il apparaît désormais indispensable d’identifier le plus précisément possible dans la transaction les chefs de préjudice que l’indemnité transactionnelle a pour objet de compenser pour établir le caractère indemnitaire. A défaut, l’indemnité pourrait être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales; le préjudice couvert par l’indemnité transactionnelle peut surtout s’entendre d’un préjudice moral et/ou réputationnel distinct du préjudice consistant dans la perte d’emploi.
Pour en savoir plus : http://www.actuel-rh.fr/content/focus-sur-le-nouveau-regime-social-des-indemnites-transactionnelles