Un ouvrage, publié en septembre 2018 aux éditions Flammarion, co-écrit par un économiste – Eric HEYER- un professeur de droit- Pascal LOKIEC- et une sociologue -Dominique MEDA.
Le propos part d’une image selon laquelle la France serait le seul pays d’Europe à avoir un taux de chômage élevé, une croissance faible et une dette considérable avec un Code du travail supposé lourd et rigide, un modèle social très coûteux, et à ne pas parvenir à mener les réformes permettant de s’adapter à la mondialisation et à la révolution technologique.
Cette vision est considérée totalement fausse par les auteurs qui estiment que
*dans l‘incapacité à gérer correctement les dysfonctionnements du capitalisme, les pays européens ont imposé des mesures d’austérité aggravant les inégalités et accroissant la vulnérabilité de tous les systèmes.
*la nouvelle gouvernance, malgré l’annonce d’un monde nouveau, poursuit en réalité les mêmes politiques qui sont aujourd’hui poursuivies.
*une rupture avec cette approche est nécessaire car un autre projet tout à fait possible doit être mis en oeuvre de manière urgente.
Pour dessiner cette autre voie, le livre conjugue trois approches : économie, droit, sociologie.
Interrogés par France-inter le 22 septembre à l’occasion de la sortie du livre :
PASCAL LOKIEC a souligné que la solution ne passe pas les voies retenues car le modèle social n’est pas coupable
*ni par la ré-écriture des règles du code du travail car en réalité les transformations engagées ne sont pas celles d’un nouveau monde mais seulement le prolongement des politiques des 20 dernières années ; pour exemple, la promotion de la négociation d’entreprise au dépend de la négociation de branche et le barème des indemnités en cas de licenciement abusif…
*ni par des dispositifs de contrôle renforcé et la réduction des droits des chômeurs reposant sur l’idée que les chômeurs ne veulent pas travailler ; s’il est exact que des offres d’emploi ne sont pas pourvues, la pénurie d’emplois ne peut se résumer à une seule comptabilité dans la mesure où les offres ne sont pas forcément compatibles avec les profils et les aspirations des demandeurs d’emploi.
ERIC HEYER a rappelé que si l’exemple du niveau de chômage de l’Allemagne est souvent mis en avant, il est nécessaire de regarder la nature et la qualité des emplois que les politiques mises en oeuvre ont créés ; cette analyse ne peut reposer sur le seul critère de la compétitivité économique et la prise en compte d’éléments plus équilibrés s’impose.
Par ailleurs, la priorité donnée à la réduction budgétaire n’est pas efficace, d’autant que les cotisations et les prestations du régime de chômage sont devenues équilibrées et que l’assurance chômage n’est pas si généreuse et que les partenaires sociaux ont plutôt bien géré le dispositif. Si dette il y a, c’est pour partie parce que l’Assurance chômage finance les politiques de l’emploi qui devraient prises prise en charge par l’impôt ; il n’y a pas en effet une répartition adéquate entre ce qui relève de prestations universelles et donc de la solidarité nationale via l’impôt et ce qui relève de prestations assurantielles et donc de l’assurance chômage.
A retenir en conclusion d’interview, quelques pistes pour avancer sur une autre voie :
Selon Eric Heyer, la priorité est de clarifier la question de la dette publique : s’interroger sur la signification réelle de sa réduction et de l’objectif de 60% ; comprendre que s’endetter pour assurer le fonctionnement d’aujourd’hui est mauvais alors que s’endetter pour l’avenir ouvre des perspectives, investir dans l’éducation et l’environnement, une voie incontournable pour assurer la réussite du redressement.
Selon Pascal Lokiec, 3 propositions : admettre que le modèle social n’est pas responsable de la situation ; proposer un plan d’investissement prenant réellement en compte l’écologie et le social ; s’engager dans une régulation fondée sur la promotion des valeurs, du bien-être commun et non celui des seules entreprises. En synthèse réconcilier l’humain, le social…
Pour en savoir plus :
https://www.franceinter.fr/emissions/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-22-septembre-2018