Archives quotidiennes : 11 décembre 2018

Qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique: première décision de la Cour de Cassation

Par un arrêt rendu le 28 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation statue pour la première fois sur la qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique.

Selon l’article L.111-7 I du code de la consommation, est qualifiée d’opérateur de plate-forme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public reposant sur (…) la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.

En l’espèce, la société Take eat easy agissait via une plate-forme numérique mettant en relation des restaurateurs, des clients commandant des repas et des livreurs à vélo les transportant sous un statut d’auto-entrepreneur.

Saisi par un coursier d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, le conseil de prud’hommes et la cour d’appel se sont déclarés incompétents au profit du Tribunal de Commerce. La société ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, le liquidateur avait refusé d’inscrire au passif de la liquidation les demandes du coursier en paiement des courses effectuées.

La Cour de cassation avait à statuer sur la question de l’existence d’un lien de subordination unissant un livreur à la plate-forme numérique.

La loi du 8 août 2016 a intégré une responsabilité sociétale des plateformes numériques en insérant les articles L.7341-1 à L.7341-6 dans le code du travail prévoyant des garanties minimales pour protéger cette nouvelle catégorie des travailleurs, sans pour autant se prononcer sur leur statut juridique et édicter une présomption de non-salariat.

Selon la jurisprudence de la chambre sociale, la caractérisation d’une relation de travail salarié repose sur des éléments objectifs :

*est salarié, celui qui accomplit un travail sous un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

*la seule volonté des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut social qui découle nécessairement des conditions d’accomplissement de son travail

*l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle

En l’espèce, la cour d’appel avait rejeté la demande de requalification du contrat en retenant que le coursier n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler.

Ce raisonnement est censuré au motif qu’il avait été relevé que :

*l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, de sorte que le rôle de la plate-forme ne se limitait pas à la mise en relation du restaurateur, du client et du coursier

*la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier ; il en résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation du livreur caractérisant un lien de subordination

*en conséquence, les juges du fond ne pouvaient écarter la qualification de contrat de travail.

Pour en savoir plus :

Note explicative relative à l’arrêt n°1737 de la Chambre sociale du 28 novembre 2018 (17-20.079)

 

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