Requalification en contrat de travail des faux indépendants : les risques à éviter…

De récentes décisions (Uber, Take eat easy) ont requalifié la relation entre un travailleur et la plateforme collaborative le mettant en contact avec des clients en relation de travail, sur la base de l’existence d’un lien de subordination.

Ce sujet ne concerne pas exclusivement les entreprises dites numériques car sont en jeu les éléments caractéristiques du contrat de travail à savoir l’exercice d’un travail en contrepartie d’une rémunération dans le cadre d’un lien de subordination juridique. Selon la cour de cassation, le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Dans le cas Take Eat Easy, les éléments de l’affaire mettaient en cause un système de bonus (pour tenir compte du temps d’attente et de la vitesse du coursier) et un système de sanctions prises en cas de manquements (non prise d’un service, départ prématuré d’un service, absence de réponse au téléphone pendant le service, refus de faire une livraison, incapacité à réparer une crevaison…), ou de mesures graduées en fonction des conséquences attachées pouvant aller jusqu’à la convocation du coursier pour discuter de sa motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire, voire à sa déconnexion de la plateforme. Par ailleurs était mis en œuvre un système de contrôle du travail (géolocalisation, suivi en temps réel…)qui a abouti à retenir la requalification.

C’est donc la réalité de la relation établie par certaines plateformes avec les travailleurs de plateforme qui détermine la nature de la relation. Cette analyse n’est pas nouvelle car par exemple des chauffeurs de taxi avaient obtenu la requalification en relation de travail sur la base des mêmes principes.

En conséquence, dirigeants et DRH doivent être vigilants sur l’écosystème de leur entreprise qui pourrait révéler des situations susceptibles de poser problème. Dans un contexte d’encouragement législatif avec la création du statut d’auto-entrepreneur, les entreprises ont recours à un nombre de plus en plus important de free lances, remplaçant les sociétés prestataires de services externes dans différents domaines. Il est donc nécessaire d’analyser de manière approfondie les risques encourus au travers de divers exemples issus du contentieux :

  • emploi d’un indépendant dans un abattoir, précédemment salarié et ayant été repris en qualité d’indépendant dans les mêmes conditions qu’auparavant, en pointant ses horaires.
  • contrat de prestation de secrétariat par un auto-entrepreneur ayant pris la suite  d’un cabinet comptable extérieur, avec un client unique, facturant des montants identiques à des échéances régulières, et ayant son bureau dans l’entreprise.
  • contrat de prestation de services de formateur auto-entrepreneur délivrant des prestations de soutien scolaire et des cours collectifs, occupant ainsi un poste d’enseignant permanent.
  • contrat de prestation de services avec un auto-entrepreneur exerçant des fonctions de commercial pour la prospection de la clientèle au bénéfice de la société donneuse d’ordre.

Les risques sont importants tant au niveau civil que pénal ou vis-à-vis de l’Urssaf :

  • conséquences prud’homales liées à une telle requalification:rappels de salaire, préavis, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour travail dissimulé, heures supplémentaires, application du statut conventionnel…
  • peine d’amende (jusqu’à 100 000 euros ou x 5 pour les personnes morales), peine d’emprisonnement (jusqu’à 10 ans si l’infraction est commise en bande organisée), des peines complémentaires (confiscation, interdiction de sous-traiter, affichage et publication du jugement)
  • via des redressements des cotisations et des majorations spécifiques s’ajoutant aux majorations de retard de droit commun

En outre, l’entreprise est tenue d’une obligation de vigilance envers ses sous-traitants dont il faut vérifier la situation sociale et fiscale à la conclusion du contrat (et tous les 6 mois). A défaut, l’entreprise donneuse d’ordre risque d’être tenue solidaire des dettes fiscale et sociale de l’indépendant, même si celui-ci ne conteste pas sa qualité d’indépendant.

Les contentieux Uber et Take Eat Easy sont donc l’occasion de rappeler les règles applicables au-delà des seules situations des plates-formes de mise en relation avec des clients.

Pour en savoir plus :

https://www.actuel-rh.fr/content/la-requalification-en-contrat-de-travail-des-faux-independants-ca-narrive-pas-quaux

 

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