La Cour de cassation a rendu, en formation d’assemblée plénière, ses deux avis sur le barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle ; à noter que la Cour de cassation a accepté de rendre un avis sur un sujet mettant e cause des normes internationales
La question posée portait sur la compatibilité de la disposition prévoyant notamment, pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins 11 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut avec plusieurs normes de droit international :
*article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
*article 24 de la Charte sociale européenne ;
*l’article 10 de la convention OIT n° 158.
Sur la première norme, la Cour de cassation décide qu’elle ne trouve pas à s’appliquer à la question qui lui est posée en estimant que les dispositions contestées n’entrent pas dans son champ d’application. Le barème fait-il obstacle à un procès équitable ? pour la Cour de cassation, il convient de distinguer ce qui est d’ordre procédural de ce qui est d’ordre matériel. Selon elle, la norme en cause ne peut pas être invoquée s’agissant de limitations matérielles d’un droit consacré par la législation interne. Tel est le cas du barème qui limite le droit matériel quant au montant de l’indemnité susceptible d’être allouée au salarié en cas de licenciement. Il ne constitue pas une limitation procédurale qui entraverait l’accès à la justice.
La seconde norme est également écartée : l’article 24 de la Charte sociale européenne prévoit en cas de licenciement le versement « d’une indemnité adéquate ou toute autre réparation appropriée« . La Cour de cassation estime que cette disposition n’est pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, compte tenu de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes
Sur la convention 158 de l’OIT : la conventionnalité de l’article L.1235-3 du code du travail est à apprécier au regard du seul article 10 de la convention OIT n° 158. Cet article prévoit en cas de licenciement injustifié et de l’impossibilité d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée« .
La Cour de cassation, dans ses deux avis, estime que le terme « adéquat » doit être compris comme réservant aux Etats une marge d’appréciation et retient qu’en droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites des montants minimaux et maximaux ».
La Cour de cassation retient également la possibilité d’écarter l’application du barème en cas de nullité du licenciement. Ceci permettant d’affirmer que le barème est compatible avec les dispositions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT.
Réaction du ministère du travail : pour la ministre, ces décisions constituent une bonne nouvelle sous deux angles : pour la sécurisation juridique et pour l’emploi car les entreprises n’ont plus de raison d’avoir peur d’embaucher ». Par ailleurs cette décision devrait faire baisser le nombre de recours sur le barème devant les conseils de prud’hommes.
A suivre les décisions à venir des Cours d’appel de Paris et de Reims qui doivent rendre leurs décisions sur le barème le 25 septembre prochain.
Pour en savoir plus : 1er avis du 17 juillet 2019 ; 2e avis du 17 juillet 2019 ; Notice explicative des deux avis