Frédéric Guzy, directeur général du réseau d’entreprises dédié aux RH, prône une nouvelle approche du dialogue social.
*Quels ont été les leviers de la rénovation du dialogue social en France ?
A l’origine, le modèle de « flexisécurité » au coeur des ordonnances Macron, visait à assouplir les modalités de contractualisation : temps de travail, salaires, réduction des effectifs… et à fondre, dans une instance unique, les différentes instances représentatives du personnel.L’objectif étant d’avoir un dialogue social à la carte, davantage orienté sur les performances de l’entreprise et le partage des enjeux.
La loi Avenir de 2018 a réformé la formation professionnelle : réorientation des financements, accent mis sur les compétences et l’accompagnement des salariés des petites entreprises, rénovation du compte personnel de formation (CPF)…pour permettre de contrebalancer une potentielle insécurité en termes d’emploi, en permettant aux salariés de rebondir plus facilement.
*Quel bilan ? Le problème est que l’assurance chômage est un élément essentiel dans l’équilibre du système: or la dernière réforme en la matière suscite inquiétude, sentiment d’insécurité et peur du déclassement que la prochaine réforme des retraites risque d’accentuer.En dépit d’avancées intéressantes, le modèle de flexisécurité est avant tout perçu comme un modèle de flexibilité.
La mise en place des CSE n’a pas totalement produit les effets escomptés: certaines entreprises ont cherché à optimiser les moyens des instances, et les syndicats, préoccupés par la baisse du nombre d’élus ont tenté de reproduire l’ancien système: il y a cependant un fort enjeu de renouvellement des effectifs lié à une pyramide des âges vieillissante.
*La nouvelle organisation du dialogue social est-elle adaptée à la situation ? Le modèle d’une grande entreprise où tout est régulé par les instances du personnel, avec des syndicats politisées et à fortes audiences s’est éteint et les syndicats ne représentent plus autant les travailleurs. Par ailleurs, le rapport au travail et à l’entreprise a changé: les salariés ont d’autres engagements et centres d’intérêt en se centrant sur des enjeux sociétaux. Le lien à l’entreprise devient également plus ponctuel: changement d’employeur et de statut, développement des plates-formes et multiplication des travailleurs indépendants…
*Quelles préconisations ?
*Le dialogue social ne doit plus être mené uniquement au niveau de l’entreprise, mais avec tous les acteurs à l’échelle du territoire pour rassembler des représentants des salariés – donneurs d’ordre et sous-traitants –, des collectifs d’auto-entrepreneurs, associations, instances politiques régionales… Si certains sujets doivent être négociés en interne, d’autres doivent l’être dans des collectifs plus larges: conditions de travail et organisation sur un même site avec des travailleurs de statuts différents. Emploi et compétences pourraient être abordés au niveau du bassin d’emploi.
*Le principal enjeu est de revaloriser l’intérêt de la régulation et du dialogue social: les syndicats devraient nouer des partenariats avec les autres collectifs de travailleurs et les DRH ne doivent pas mettre en concurrence ces différents collectifs qui sont complémentaires. Direction générale et management doivent être convaincus que le dialogue social débouche sur du concret et qu’il est utile d’avoir des interlocuteurs pour discuter de performance.
*Les DRH doivent travailler sur le maintien des compétences et de l’engagement de tous les travailleurs intervenants pour l’entreprise.