* Une possibilité offerte par la loi Pacte d’avril 2019, le statut de mutuelle n’est plus adapté à l’économie de marché ? Ce changement est au contraire la conséquence logique des transformations engagées depuis plusieurs années : la Maif pratique un management par le sens, la confiance et l’envie en investissant en considération des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance et entretient une relation de long terme avec ses sociétaires dont la fidélité est sans pareille.
*Quel est l’objectif ? Devenir une entreprise à mission permet de poursuivre notre transformation et de rendre public notre engagement en intégrant dans les statuts la raison d’être de la MAIF et la placer au cœur de chacune de nos décisions et actions. C’est inventer un nouveau modèle permettant de concilier l’exigence éthique et l’exigence économique.
*Les entreprises vont-elles prendre en charge des missions qui sont celles de l’Etat ? Les frontières entre le monde de l’entreprise, celui des Etats et du politique, s’estompent car les problèmes ont changé de nature et trouvent souvent leur source dans l’activité économique. Les pouvoirs publics, enfermés dans leurs frontières et dans les contraintes budgétaires, sont devenus impuissants.
*Comment définissez-vous le rôle politique de l’entreprise ? L’entreprise a un rôle politique car elle a un impact sur ce qui crée du lien social, sur l’environnement, sur les sujets de société : elle peut servir le bien commun.
*Les entreprises ont toujours eu un impact sur l’environnement et la société ? Elles n’ont pas toujours eu conscience de la responsabilité associée à cet impact. Nombre d’entre elles utilisent une partie de la richesse produite pour compenser les conséquences négatives de leurs actions, à travers une fondation ou du mécénat. La question de l’impact doit être placée au cœur de l’activité de l’entreprise.
*Une loi était-elle nécessaire pour que les entreprises servent le bien commun ? La Loi Pacte est un symptôme d’attentes de plus en plus fortes à l’égard de l’entreprise ; elle contribue à la prise de conscience collective.
*Servir le bien commun améliore-t-il les performances de l’entreprise ? Mon expérience depuis 10 ans à la tête de la MAIF nourrit cette conviction. Il est possible de créer un cercle vertueux dans lequel plus d’engagement pour les parties prenantes – salariés, clients et fournisseurs-, pour l’environnement et pour le monde crée plus de performances pour l’entreprise.
*Changer les comportements oblige-t-il à modifier les modes de rémunération ? Les choix en matière de rémunération façonnent les comportements: notre système valorise la réussite collective plutôt que la mise en avant de l’individu. L’éventail des salaire est raisonnable avec un rapport d’1 à 20.
*Une entreprise du CAC 40 peut-elle adopter ce nouveau modèle ? Le statut de mutuelle est clairement un atout, mais ne constitue ni une condition nécessaire ni suffisante à l’engagement de l’entreprise dans la société. Le modèle défendu est un choix conscient qui produit de la performance dans la durée et qui est transposable à tous types d’entreprises.
*Est-ce la fin de l’entreprise actionnariale qui privilégie la profitabilité ? Un dirigeant s’en tenant à une vision « friedmanienne » mettrait en danger la pérennité de son entreprise.
*Quel est le rôle du dirigeant ? Un dirigeant à deux missions essentielles : la vision, lui permettant de projeter dans l’avenir en formulant une stratégie pour y répondre et le leadership pour fédérer la communauté humaine autour d’un projet pour l’entreprise..
*Sur quels critères l’action d’un dirigeant doit-elle être jugée ? La plupart des systèmes d’évaluation de la performance surpondèrent les critères financiers et le court terme. La MAIF mesure la performance de l’entreprise à la lumière de 4 éléments à parts égales : épanouissement des salariés, satisfaction des clients, impact positif sur notre environnement et performance économique.
*Diriger s’apprend-il ? Enarque ayant servi l’Etat, je ne connaissais pas le monde de l’assurance et n’avais pas une réelle expérience du monde de l’entreprise. Il m’a fallu du temps pour mesurer la force du collectif, apprendre à écouter, préférer la bienveillance à l’émulation, et piloter l’entreprise autant avec le cœur qu’avec de froids objectifs.
*L’intuition peut-elle jouer un rôle dans une prise de décision ? Dans toute décision, surtout s’il y a une dimension humaine, il y a une part non réductible à la raison.
*Et l’éthique ? L’équipe de direction a appris à construire un modèle dans lequel plus l’entreprise prend des décisions éthiques, plus elle est performante.
*Vos valeurs personnelles sont-elles en accord avec celles de la MAIF ? La transformation de l’entreprise à laquelle je contribue est le reflet de ma propre transformation; j’ai la chance de pouvoir être la même personne en tant qu’homme et en tant que dirigeant d’entreprise.
*Que pensez-vous de l’engagement des jeunes pour sauver la planète ? Les mécanismes de transmission s’inversent : les jeunes sont la pointe la plus avancée de notre conscience collective et font évoluer les comportements de leurs propres parents.
*Comment votre livre a-t-il été accueilli par les autres dirigeants ? Par les salariés ? Par les clients ? Il a suscité un intérêt qui montre que l’heure était venue pour un message de cette nature. Le chemin parcouru par la MAIF donne à son dirigeant légitimité et crédibilité pour s’exprimer sur ces sujets.
Pour en savoir plus : https://www.societal.fr/pascal-demurger-concilier-lethique-et-lexigence-economique