Archives quotidiennes : 10 juillet 2020

Défenseur des Droits : Un bilan mitigé sur la lutte contre les discriminations liées à l’origine

Principaux constats issus d’un rapport du Défenseur des droits publié fin juin 2020:

* des politiques publiques incapables depuis des années de se saisir de la question des discriminations sur le marché du travail, en ne s’attaquant pas au coeur de la question, Soit en l’appréhendant par le biais du concept flou de diversité, soit en la délayant dans la politique de la ville.

*des voies contentieuses qui ne se révèlent pas forcément plus efficaces.

*la nécessité de trouver de nouveaux leviers d’action, sollicitant davantage les entreprises et la prévention. 

1-Développer une approche systémique de la discrimination : Les discriminations liées à l’origine s’inscrivent dans un ensemble de représentations et de préjugés traversant l’ensemble de la société. Profondément ancrés dans les structures sociales et mentales, ces biais cognitifs renvoient l’individu à une identité sociale dévalorisée, qui sous-tend les pratiques inégalitaires.

Les personnes visées développent des stratégies de contournement en privilégiant par exemple l’exercice d’une profession avec un statut d’auto-entrepreneur ou libéral, ou bien le choix d’un emploi dans des secteurs caractérisés par une forte proportion de personnes immigrées ou descendantes d’immigrés ; ou encore l’expatriation vers des pays plus ouverts à la différence.

2-Des politiques publiques parcellaires et inefficaces : Les dispositifs développés n’ont pas apporté de réponses adaptées : politiques de diversité s’articulent autour d’une autorégulation des organisations (Charte et le Label diversité) non suivis d’accords et d’objectifs précis avec les partenaires sociaux. Si des études par testing commandées par le gouvernement ont pu mettre en lumière la réalité des discriminations à l’embauche fondées sur l’origine, ces initiatives sont restées ponctuelles et n’ont été articulées à aucune action corrective. La manière d’aborder la question des discriminations dans l’emploi par le prisme des politiques de la ville traduit un affaiblissement de la prise en charge politique des discriminations fondées sur l’origine, la référence au territoire ou au lieu de résidence se substituant à celle de l’origine.

3-Des actions en justice limitées : Malgré la prévalence des discriminations fondées sur l’origine, le taux de non-recours reste très élevé : parmi les personnes ayant rapporté avoir vécu une discrimination dans l’emploi en raison de leur origine, seuls ont entamé une démarche judiciaire.    Les victimes peinent parfois à s’identifier  du fait du caractère voilé de la discrimination et de l’absence de preuves. Les signalements directs auprès des employeurs  sont peu pris en compte et donnent trop rarement lieu à de véritables enquêtes et sanctions éventuelles. Les sanctions prononcées sont des condamnations isolées avec un impact financier minimal pour l’entreprise, et sans conséquence sur les pratiques et relations sociales au sein de l’organisation. Les réparations imposées aux entreprises sanctionnées se limitent à des dommages et intérêts fondés principalement sur la compensation des rémunérations perdues, ou des dommages moraux symboliques.

*Proposition de créer des indicateurs dédiés : Le Défenseur des droits préconise ainsi d’inscrire la lutte contre les discriminations liées à l’origine dans la politique RSE des entreprises avec la création d’ une obligation légale de publier des indicateurs non financiers et statistiques, de mesurer les risques discriminatoires et d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre pour les contrer. L’objectif est d’amener les entreprises à établir un véritable plan d’action avec un calendrier, des objectifs clairs, des méthodes d’action concrètes et la définition des acteurs chargés de mettre en œuvre cette politique au sein de l’organisation avec consultation en amont des élus.  Il s’agirait de  formaliser l’engagement de la direction de l’entreprise et de réaliser  un état des lieux des risques discriminatoires dans l’entreprise et de mettre en place des indicateurs. En parallèle avec d’autres actions : sensibiliser et former le personnel, promouvoir les principes d’objectivité, de transparence et de traçabilité des procédures et des critères appliqués,  dispositif de prévention et de traitement des signalements de discriminations.

Autre levier d’action : réaliser un audit des risques discriminatoires en plusieurs étapes : évaluer les risques discriminatoires ; proposer des objectifs et des actions correctives et prévoir des évaluations périodiques ; préciser les procédures RH de l’établissement concerné à partir d’une analyse documentaire (outils RH, documents de communication internet, reporting) ; confronter ces procédures aux pratiques existantes, en observant le fonctionnement des services RH en situations concrètes et en interrogeant les acteurs concernés.

Pour en savoir plus :éditions-legislatives.fr/actualite/discriminations-liees-a-l-origine-le-defenseur-de-droits-recommande-la-publication-d-indicateurs-dan?utm_source

 

 

 

 

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