Archives quotidiennes : 19 mars 2021

Organisation du travail, pierre angulaire de la politique de prévention de la santé: ITV de PY Verkindt.

Pour le professeur émérite de l’université Panthéon-Sorbonne, les entreprises ne pourront plus faire l’impasse sur l’organisation du travail comme outil de prévention en matière de santé au travail. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés afin assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs pourrait être le fondement d’une nouvelle jurisprudence.

Pour mémoire, le code du travail prévoit 2 dispositions majeures en matière de santé au travail  :

*Article L.4121-1 fixant les mesures que l’employeur doit prendre pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ; actions d’information et de formation ;  mise en place d’une organisation et de moyens adaptés….

*Article L.4121-2 détaillant les mesures de prévention devant être mises en oeuvre pour Eviter les risques ;  Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; Combattre les risques à la source ; Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel et ceux liés aux agissements sexistes ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;  Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

*Quelle analyse doit être faite de ces deux dispositions ? Les 2 articles doit être lus ensemble. L’obligation de prendre des mesures pour assurer la santé et la sécurité des salariés passe par une méthode impérative, substantiellement liée au principe de prévention. Il faut agir au bon moment, dans le bon ordre et prendre les mesures nécessaires et non seulement des mesures. 

*L’article L.4121-1 du code du travail n’a pas encore été exploité à sa juste valeur ? Toutes les conséquences du 3° de l’article L.4121-1 n’ont pas été tirées : elles imposent à l’employeur de mettre en place une organisation et des moyens adaptés, que ce soit en termes de recherche, d’information, de connaissance du danger, de connaissance des évolutions de la technique. La référence à une organisation adaptée suppose que les choix organisationnels faits satisfassent à l’obligation de prévention.

*Comment expliquer qu’il n’existe-t-il pas à ce jour de contentieux sur le 3e alinéa de l’article L.4121-1 du code du travail ?  Le contentieux s’est jusqu’à présent focalisé sur les actions de prévention des risques professionnels. La référence ritualisée à l’obligation de sécurité de résultat a eu un effet positif en permettant d’accorder une valeur juridique à l’obligation de prévention. Mais on n’a pas été plus  loin ; toutefois  des éléments convergents placent désormais en lumière les choix organisationnels.

*Pourquoi et lesquels ? Depuis l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013, le regard se déplace vers l’organisation du travail. On prend conscience que la protection de la santé au travail est avant tout une question d’organisation du travail.  La proposition de loi sur la santé au travail en cours d’examen impose d’intégrer dans le document unique d’évaluation des risques les paramètres liés à l’organisation du travail : process techniques, relationnels, RH… Cela offrira au Juge de donner de la valeur au 3° de l’article L.4121-1 ; c’est en ce sens que l‘organisation du travail va devenir la pierre angulaire de la politique de prévention de la santé au travail.

*Quels sont les enjeux pour les entreprises ? L’entreprise devra prouver que les décisions économiques prises ont intégré la question de l’organisation du travail comme composante de la santé au travail : temps de travail,  restructurations…Les juges auront à vérifier que le paramètre organisationnel a été pris en compte. 

*Cette analyse était-elle déjà sous-tendue par l’arrêt Air France du 25 11 2015 ?  Les analyses sur cet arrêt ont été souvent erronées, notamment à propos de la fin de l’obligation de sécurité de résultat : le juge  a dit que l’employeur  devait attester de ce qu’il avait fait et de prouver avoir agi dans l’ordre de la rationalité des articles L.4121-1 et L.4121-2, et en temps utile, ce qui est une obligation exigeante.

*Le développement du télétravail pose des questions d’organisation et pourrait continuer après la crise, notamment pour réaliser des économies ? Les entreprises qui seraient  favorables au télétravail dans un seul but d’économies  échoueront dans leur stratégie d’acculturation du télétravail. La question doit être intégrée à des conditions réelles du travail à domicile, à la qualité des logiciels et du matériel, à la conciliation vie privée/vie professionnelle…Le développement du télétravail doit suivre les étapes de l’article L.4121-2 du code du travail et le juge pourra demandera à l’employeur de prouver sa rationalité dans les  décisions prises…

Pour en savoir plus :https://www.actuel-rh.fr/content/la-question-de-lorganisation-du-travail-va-devenir-la-pierre-angulaire-en-matiere-de

Poster un commentaire

Classé dans Brèves