Armand Hatchuel, professeur de Mines ParisTech et membre de l’Académie des technologies rappelle les travaux français menés sur le sujet, autour de l’objectif de réconciliation entre l’entreprise et le progrès collectif. |
*L’initiative législative française fait-elle des émules à l’étranger ? Quel est le panorama mondial ?
La philosophie de la loi française a trouvé de nombreux échos internationaux: elle a accéléré une évolution internationale latente qui manquait d’un modèle cohérent, novateur et universaliste prenant en compte de nombreux problèmes.
*L’initiative américaine était trop locale, tournée vers la réduction des risques juridiques du dirigeant et ne proposait pas de doctrine de l’entreprise : promue par patrons et avocats, mais avec peu de travaux de recherche étudiant les fondements. En revanche, elle a montré la possibilité de brèches dans le droit, et l’effort a consisté à chercher la brèche la plus large, la plus cohérente..
*En Europe, la France a été pionnière d’un renouveau de la réforme des entreprises pour le développement durable:
-Le Parlement européen a voté, le 17 décembre 2020, une résolution demandant à la Commission de se saisir de la question et de proposer une nouvelle législation européenne.
-Les Pays-Bas et l’Allemagne avancent sur leur propre législation nationale; il n’y aura pas de réplication de la loi française, mais que ses principes généraux seront inspirants.
-In fine, il faut travailler à un nouveau code général des entreprises, en Europe et dans le monde, sur la base d’un ensemble de principes et de responsabilités comme cela a pu être fait pour les règles du commerce, le travail ou les droits fondamentaux.
*Les engagements d’entreprises et les missions sont-ils compatibles avec les enjeux de régulation contemporains ?
La société à mission n’est pas antagonique de la régulation des entreprises par les États.
La régulation est classiquement pensée à partir de la distinction moderne entre intérêt privé et intérêt général incarné par la voix du souverain.
Cette distinction ne disparaît pas:
-la société à mission introduit des objets nouveaux au sein de cette polarité archétypale et dichotomique.
-La société à mission se dote d’objectifs qui recombinent et hybrident intérêts privés et collectifs.
-La loi reste une régulation centrale, mais ne saurait être la seule. Les sociétés à mission font avancer l’histoire humaine vers un régime poly-régulé, à partir d’actions collectives multiples.
Pour en savoir plus : https://www.societal.fr/armand-hatchuel-les-societes-mission-lepreuve-du-reel-les-enjeux-sociaux-et-academiques