Contexte : Une personne a été engagée par la RATP en qualité de stagiaire, au sens du statut du personnel, pour exercer une mission de quatre mois au sein de la cellule de contrôle de la mesure, puis à compter du 5 février 2007 en tant qu’animateur agent mobile au sein d’une unité opérationnelle du département. Son admission définitive dans le cadre permanent de la RATP était subordonnée à son assermentation.
La RATP lui a fait parvenir une convocation devant le tribunal de grande instance en vue de son assermentation en application de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer ; le président du TGI a fait acter au procès-verbal que la personne a indique au tribunal que sa religion (chrétienne) lui interdit de prêter le serment prévu par la loi et que Serment n’a donc pas été prêté. La salariée a été licenciée au motif qu’elle avait refusé de prêter le serment prévu par la loi, qu’en conséquence elle ne pouvait obtenir son assermentation et que ces faits fautifs ne permettaient pas son admission définitive dans le cadre permanent de la RATP.
Contentieux: Soutenant qu’elle avait refusé de prononcer la formule du serment en raison de ses convictions religieuses et qu’elle avait proposé une autre formule, conforme à sa religion chrétienne, ce que le président du tribunal de grande instance avait refusé, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de sommes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice moral.
La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de toutes ses demandes dirigées contre la RATP, alors
*qu’il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion ;
*que la salariée n’a pu commettre une faute en proposant une telle formule ;
*qu’il s’ensuit que le licenciement a été prononcé en raison des convictions religieuses de la salariée et qu’il était donc nul ;
*qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé, ensemble, l’article L. 1132-1 du code du travail et l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
La Cour de cassation, au visa de l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 1232-1 du code du travail, rappelle que :
*Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
*La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
*Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que le devoir de neutralité et d’impartialité de l’Etat est incompatible avec un quelconque pouvoir d’appréciation de sa part quant à la légitimité des croyances religieuses ou des modalités d’expression de celles-ci. La liberté de manifester ses convictions religieuses comporte aussi un aspect négatif, à savoir le droit pour l’individu de ne pas être obligé de faire état de sa confession ou de ses convictions religieuses et de ne pas être contraint d’adopter un comportement duquel on pourrait déduire qu’il a – ou n’a pas – de telles convictions. Il n’est pas loisible aux autorités étatiques de s’immiscer dans la liberté de conscience d’une personne en s’enquérant de ses convictions religieuses ou en l’obligeant à les manifester, et spécialement à le faire, notamment à l’occasion d’une prestation de serment, pour pouvoir exercer certaines fonctions.
Pour débouter la salariée de toutes ses demandes, l’arrêt d’appel a retenu que :
*le principe de la laïcité de la République française découle des dispositions de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 qui affirme également le respect de toutes les croyances.
*la formule juratoire est présente dans les serments prêtés par de nombreuses professions,
*lors du prononcé de cette formule, l’intéressé n’appose pas la main droite sur la Bible ou un autre texte religieux, ni même sur la Constitution,
*cette formule est dénuée de toute connotation religieuse et de toute référence à une autorité supérieure; elle est seulement destinée à traduire l’engagement de celui qui la prononce à respecter loyalement et solennellement les obligations mises à sa charge, à savoir constater des infractions et dresser des procès-verbaux dans le respect des règles qui s’imposent à l’intéressé.
Il en déduit que l’employeur, en licenciant la salariée, n’a fait que respecter la loi qui exigeait une assermentation de la part de celle-ci pour pouvoir exercer les fonctions d’animatrice agent mobile. En statuant ainsi, alors que la salariée n’avait commis aucune faute en sollicitant, lors de l’audience de prestation de serment, la possibilité de substituer à la formule ’’je le jure’’ celle d’un engagement solennel, ce dont il résultait que le licenciement, prononcé pour faute au motif de son refus de prêter serment et de l’impossibilité consécutive d’obtenir son assermentation, s’il n’était pas nul comme n’ayant pas été prononcé par l’employeur en raison des convictions religieuses de la salariée, était sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Conséquences de la cassation: La cassation à intervenir n’emporte cassation que des seuls chefs de dispositif confirmant le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice moral. La cassation emporte cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif relatifs à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue partiellement au fond.
Ainsi la cour de cassation annule l’arrêt d’appel seulement en ce qu’il rejette les demandes formées à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice moral.: dit n’avoir lieu à renvoi sur la cause du licenciement, dit le licenciement cause réelle et sérieuse
Pour en savoir plus http://Cass. soc. 7-7-2021 n° 20-16.206 FS-B).
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/965_7_47463.html