Archives quotidiennes : 25 février 2022

Refus de mutation et convictions religieuses : discrimination ?

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation retient que l’employeur ne se rend pas coupable de discrimination en imposant à un salarié de religion hindouiste de travailler dans un cimetière, dès lors que cette mesure est justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

L’arrêt du 19 janvier 2022 concerne un salarié de religion hindouiste et traite de son refus de mutation motivé par ses convictions religieuses.

Contexte : un salarié, agent de nettoyage soumis à une clause de mobilité prévue par son contrat de travail, a été transféré à une nouvelle entreprise lui proposant une mutation géographique ; aprés un premier refus, l’employeur offre un emploi sur le site d’un cimetière  que le salarié rejette au motif de ses convictions religieuses hindouistes lui interdisant de travailler dans un cimetière. Après convocation à un entretien préalable, le salarié faisant l’objet d’une mutation disciplinaire sur un autre site ne s’y présente pas et licencié pour faute simple.

Devant le conseil de prud’hommes, le salarié réclame la nullité de sa mutation disciplinaire en s’estimant victime d’une discrimination directe en raison de ses convictions religieuses et la cour d’appel lui donne raison, décision censurée par la Cour de cassation.

Position de la Cour de cassation : la Cour de cassation rappelle le cadre juridique permettant d’apprécier la légitimité du refus du salarié d’exécuter les consignes de l’employeur au nom de sa religion : si l’employeur doit respecter les convictions religieuses de ses salariés, il ne peut apporter de restrictions à cette liberté que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et sont proportionnées au but recherché. La notion d’exigence professionnelle essentielle et déterminante », au sens de la directive du 27 novembre 2000 renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. En matière d’articulation entre la liberté religieuse du salarié et l’exécution de son contrat de travail, les juges s’attachent à trouver un point d’équilibre entre les prescriptions religieuses auxquelles se conforme l’intéressé en raison de ses convictions, et l’exercice par l’employeur de son pouvoir de direction.

Ainsi, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond qui avait retenu que l’employeur,  « qui n’est pas juge des pratiques religieuses de ses salariés », aurait échoué à démontrer que la sanction prononcée était étrangère à toute discrimination, et était, de ce fait, nulle. Elle considère en conséquence que la  mutation disciplinaire ne constitue pas une discrimination directe, car elle lui apparaît justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante :

par sa nature et les conditions d’exercice de l’activité du salarié qui a été affecté sur un site pour exécuter ses tâches contractuelles en vertu d’une clause de mobilité ;

-du fait de son caractère proportionné au but recherché ; l’objectif de l’employeur ayant été de maintenir la relation de travail en affectant le salarié sur un autre site.

Pour en savoir plus :

Cass. soc. 19-1-2022 n° 20-14.014 FS-B, Sté Derichebourg propreté c/ S

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