Archives quotidiennes : 7 octobre 2022

Licenciement fondé partiellement sur un abus non avéré de la liberté d’expression : sanction de nullité.

Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

Dès lors qu’il n’y a pas eu abus de sa liberté d’expression par le salarié, le licenciement pris pour ce motif est nul (Art L 1121-1 Code du travail, Art 10, § 1 Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Ce principe est conforme à l’article L 1235-3-1 du Code du travail qui prévoit la nullité de tout licenciement prononcé en violation d’une liberté ou d’un droit fondamental, la liberté d’expression étant considérée comme telle.

L’arrêt commenté rappelle ces principes et précise leur portée lorsque plusieurs griefs sont invoqués dans la lettre de licenciement d’un salarié dont l’un est relatif à un abus de la liberté d’expression.

Contexte : Un salarié, engagé en qualité d’ingénieur adjoint au directeur technique, est licencié pour faute grave, après avoir émis, selon son employeur, des accusations graves sur de possibles faits de corruption et des manquements aux règles de sécurité, mettant en cause son supérieur hiérarchique ainsi que le groupe dans son ensemble. Le salarié estime qu’il n’a pas abusé de sa liberté d’expression et que son licenciement est nul.

Position de la Cour de cassation : le salarié n’a pas abusé de sa liberté d’expression car d’une part, la lettre adressée par le salarié au président du directoire du groupe, pour dénoncer la gestion désastreuse de la filiale au plan économique et financier et en raison d’infractions à la législation sur le droit du travail, faisait suite à l‘absence de réaction de sa hiérarchie qu’il avait alertée sur ces difficultés ; et d’autre part, le salarié n’a pas employé de termes injurieux, excessifs ou diffamatoires à l’encontre de son employeur.

La particularité de la décision tenait aussi au fait de l’existence de 3 motifs de licenciement, dont un susceptible de justifier l’annulation de la rupture. Ayant écarté le motif illicite relatif à la violation de la liberté d’expression, fallait-il apprécier la légitimité des autres griefs et quelles conséquences en tirer ? Dans un attendu de principe, la Cour de cassation affirme que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. Ainsi, en présence d’un motif justifiant la nullité du licenciement, les juges du fond n’ont pas à examiner les autres griefs articulés par l’employeur, et ce même s’ils auraient été susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La Cour de cassation applique le principe du motif contaminant qui veut que lorsque l’illicéité d’un motif rend le licenciement nul, celui-ci atteint les autres motifs qui ne pourront justifier le licenciement. Ce principe, déjà retenu en matière de harcèlement moral ou violation du droit du salarié d’exercer une action en justice, est appliqué pour la première fois à la violation de la liberté d’expression.

Pour en savoir plus : Cass. soc. 29-6-2022 n° 20-16.060 FS-B, Sté Tereos participations c/M.B. https://www.efl.fr/actualite/actu_fc7e1e782-c5ed-46cd-a2ca-4fdfb936610b#fee73eac1-9c66-4dff-8824-4c948a334ab5

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