Archives quotidiennes : 27 février 2023

Une Loi PACTE 2 pour mieux associer les salariés  à la gouvernance ?

Les chercheurs Xavier Hollandts et Nicolas Aubert ont retracé dans un récent article l’histoire de la codétermination française, c’est-à-dire la détermination en commun des décisions par les salariés et les actionnaires. Montrant que la réhabilitation du pouvoir des salariés dans les organes de gouvernance a en partie des racines historiques, les auteurs invitent à une extension de la codétermination.

Leur propos est à retenir car les avancées françaises en ce domaine, bien qu’enracinées dans l’histoire, demeurent encore timides. La loi pour la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, promulguée le 22mai 2019, a abaissé de 12 à 8 le seuil d’effectif du conseil d’administration ou de surveillance déclenchant l’obligation d’avoir deux représentants des salariés. Dans les entreprises de plus de 1,000 salariés, les sociétés doivent ainsi désigner au moins deux représentants des salariés lorsque le conseil d’administration est composé de plus de 8 membres et un représentant lorsque le conseil d’administration est composé de 8 membres ou moins

Cependant, on est encore bien loin du rapport Gallois de 2012 qui recommandait la mise en place d’au moins 4 représentants des salariés au conseil d’administration ou de surveillance. On est également bien loin d’un objectif plus ambitieux qui consisterait à donner le même pouvoir aux représentants du travail qu’aux représentants du capital, voire même à conférer aux salariés un rôle de premier plan dans les organes de décision.

Pour se rapprocher de cet objectif, on pourrait augmenter le nombre de représentants du travail dans les organes de gouvernance, imposer l’association des salariés à la gouvernance dans d’autres structures sociétaires, et étendre la règle à des entreprises de plus petite taille : 3 orientations qu’on pourrait attendre d’une loi Pacte II.

Est-il vraiment possible de faire de la codétermination la forme normale du gouvernement d’entreprise sans réformer le droit dans sa globalité? Les évolutions touchant à la participation des salariés au pouvoir de décision ne seraient-elles pas condamnées à être symboliques, fragmentées ou secondaires dès lors qu’elles feraient fi du droit dans son intégralité ? Ce n’est pas seulement la composition des organes de gouvernance qui mérite d’être réformée, mais la définition même de la structure sociétaire.

Actuellement, l’article 1832 du Code civil retient que «la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.» Ainsi, la structure sociétaire poursuit une seule finalité : faire des bénéfices et les partager entre ses associés.

Ne faudrait-il pas, pour redéfinir la structure sociétaire, repenser la structuration du droit dans son ensemble et, questionner la séparation entre le droit des sociétés et le droit du travail ? Si l’on osait remettre en cause cette séparation entre deux droits ( sociétés/droit du travail) et deux contrats (contrat de société /contrat de travail), on pourrait alors concevoir un droit de l’entreprise… L’entreprise serait alors juridiquement composée d’un ensemble de parties prenantes (associés et salariés) et orientée vers une finalité supérieure au partage de bénéfices.

Pour en savoir plus :  L’entreprise et le bien commun, Nouvelle Cité, 2022

https://faculte-recherche.audencia.com/cvs/cv/sandrine-fremeaux/?L=0

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