Tribune de Maître Brouillet, avocat en droit social du cabinet ACD et membre du Cercle Embelys: coronavirus et confinement imposé poussent à repenser les modes de management RH
1) L’individualisme, certes en recul avec des manifestations de solidarité, persiste: il conviendrait de s’approcher du concept d’altérité qui consiste à considérer l’autre comme son prochain, et non pas comme un étranger ou un concurrent. C’est la fraternité qu’il faut réinventer, car elle qui le pivot sans lequel il n’y a ni liberté ni égalité véritable et nous conduit non seulement à ressentir la souffrance, mais aussi à agir pour préserver le 2 autres objectifs de notre devise nationale.
2) Le rapport aux temps sociaux et au sens de la vie a évolué: on peut faire mieux. Le confinement a fait prendre conscience que la priorité ne saurait se réduire à travailler plus pour gagner plus mais « de savoir mieux partager son temps avec celui à consacrer à la famille/amis ainsi qu’aux loisirs. Autrement dit savoir se montrer moins méfiant à l’égard des autres et avoir moins peur de manquer et/ou besoin de posséder. »
3) La place des femmes dans la société: l’entreprise a pris une dimension nouvelle. Le rôle primordial des femmes, infirmières/aides-soignantes, parmi le personnel médical est remarqué. A saluer celui des femmes-confinées .Il est temps de revaloriser la position de la femme dans l’entreprise, sans se satisfaire de la multiplication des lois d’égalité ou des index du même nom !
4) Le partage des richesses : Depuis les préconisations de de GAULLE sur une meilleure répartition entre le capital et le travail, suivies par de multiples lois ou « recommandations « patronales, peu de progrès significatifs ont été réalisés pour réduire les écarts indécents des rémunérations/dividendes/golden parachutes. Il est légitime de rémunérer les actionnaires et dirigeants à la hauteur des efforts et des risques qu’ils prennent, mais en prenant davantage en compte les entreprises qui bénéficient d’aides de l’Etat, ou qui mettent en place des PSE ou plans de départ volontaires(!) ou encore qui (ab)usent du recours au chômage partiel
5) Les risques psychosociaux ne cessent de progresser depuis plusieurs années: Le management de certaines entreprises semble particulièrement perturbé par d’incessants « programmes de réorganisation » s’appuyant sur des « méthodes de management musclées, pour ne pas dire toxiques ». Les cas de harcèlement moral/burnout /bore out se multiplient de façon très préoccupante, un véritable virus d’autant plus difficile à endiguer qu’il s’agit d’une souffrance « ressentie « par la victime sans pouvoir être clairement « diagnostiquée ». Désormais c’est devenu l’un des fondements systématiques des recours devant le conseil des prud’hommes … d’autant qu’il ouvre l’espoir d’éviter l’application du barème Macron ! Ce qui invite à des pratiques managériales plus transparentes et proches de la perception qu’en ont les salariés
6)Il conviendrait aussi de s’attacher plus sérieusement à contrôler ce qui risque de devenir le plus mortel des virus, à savoir l’obésité: Tous les pays sont désormais concernés à commencer par les USA mais aussi des pays plus pauvres. En France 54% des hommes, 44% des femmes et 21% des enfants de 6 à17 ans sont en surpoids. Si ceci ne parait pas relever de la responsabilité directe de l’entreprise, ce devrait devenir un domaine d’investigation pour le CHSCT et le médecin du travail.
7) La lutte contre le réchauffement climatique doit se renforcer au niveau des entreprises mais aussi de chaque famille, en suivant les préconisations de Bill GATES et tant d’autres…
8) Il faudra anticiper de nouvelles sources de contentieux: des débats sont prévisibles sur l’interprétation actuellement confuse des concepts de force majeure /imprévision/ fait du prince, susceptibles de justifier la rupture d’un contrat commercial, mais aussi d’un CDD /période d’essai /et même un plan de licenciement ? De même concernant le droit d’alerte ou le droit de retrait. Il est à prévoir des actions syndicales mettant en cause la responsabilité civile et/ou pénale des entreprises pour insuffisance des mesures de prévention des risques mais aussi insuffisante consultation des IRP, en incluant d’accroissement des risques psychosociaux.
9) La surveillance numérique intrusive va également entraîner des contentieux nouveaux résultant des projets d’application de « contact tracing « et les risques pour les libertés publiques et individuelles »
10) Le télétravail qui s’est développé de façon parfois anarchique, mais utile et nécessaire depuis Mars, devra être mieux encadré notamment avec les partenaires sociaux compte tenu notamment des risques de distanciation sociale.
En conclusion, « Plus que jamais il parait nécessaire de mettre périodiquement à jour le règlement intérieur et la DUER…pour intégrer ces risques nouveaux mais aussi revoir le management des entreprises pour que celui-ci soit moins dicté unilatéralement d’en haut et davantage » concerté » avec les partenaires sociaux. Nous avons là une exceptionnelle occasion de rénover et développer un dialogue social (enfin) constructif. »
Pour en savoir plus : mailto:https://www.jobsferic.fr/dix-lecons-a-tirer-du-covid-19-en-matiere-de-management-rh/