*Comment le contexte actuel vous a conduit vers l’addiction à l’alcool ? Le premier confinement a supprimé les barrières et donné la possibilité de consommer des boissons alcoolisées n’importe quand ; j’ai sombré petit à petit, dans ce nouveau contexte lié à la pandémie où je me suis retrouvé en télétravail total alors que mon métier consiste à être sur le terrain. Le télétravail est un contexte dangereux pour les salariés en termes d’addiction (alcool, drogues, médicaments, jeux) ; ce qui entraîne une perte du lien social, un risque d’addiction à l’écran. Tous les éléments sont réunis pour basculer : vous pouvez ainsi boire sans vous faire repérer et rien ne vous oblige à prendre soin de vous.
*Comment avez-vous pu sortir de cette dépendance ? Le déclic s’est produit après qu’un jour où j’avais trois réunions en visioconférence, je ne me suis pas présenté à deux d’entre elles à cause d’une prise trop importante d’alcool. Le lendemain j’ai contacté mon N+1qui était prêt à mettre en place l’aide définie par mon entreprise. Cela fait désormais 300 jours que je n’ai plus touché une goutte d’alcool.
*Quels conseils donneriez-vous aux représentants du personnel pour prévenir ces addictions et aider des salariés qui ont un tel comportement ? Les élus doivent être conscients du risque que représente l’addiction sinon ils ne seront pas en mesure de la détecter. Les formations, sur la question des addictions, sont donc importantes et les entreprises ont tout intérêt à en organiser pour sensibiliser les élus en premier, et le reste du personnel ensuite, en mettant un focus sur les managers. Si un élu détecte un problème avec un salarié, il doit pouvoir essayer d’établir un dialogue hors hiérarchie avec le collègue, le salarié se confiant généralement plus facilement aux représentants du personnel qu’aux managers. En tant qu’élu on peut demander au DrH (si des procédures existent dans l’entreprise) de déclencher une aide en alertant le service de santé au travail notamment. Il faut qu’il soit prévenu en amont pour qu’il puisse agir au moment où il reçoit le salarié. Toutes les entreprises ont mesuré l’enjeu de l’addiction car elles sont conscientes que cela représente une perte de compétences et de capacité de travail.
La fonction RH doit mener une campagne d’information positive en incitant les salariés à demander de l’aide non pas pour les punir mais pour les aider à s’en sortir. Des cabinets de conseil spécialisés en addiction peuvent intervenir pour que les salariés comprennent les enjeux. Le CsE peut aussi, avec la CssCT, travailler sur des plans d’action pour la prise en compte et l’accompagnement des personnes souffrant d’addictions : nous avons soumis des idées en vue de l’élaboration d’une charte sur les addictions et proposé d’étendre une règle instaurée dans le règlement intérieur du CsE, à savoir le fait de ne pas rembourser les frais d’alcool sur les frais de repas. Pour les pots d’entreprise, nous maintenons l’alcool dans les limites du Code du travail et nous préconisons aux salariés de signaler les collègues dans un état anormal le matin, avant leur prise de poste. En conclusion, il faut insister sur la formation des élus, l’accompagnement positif mais en aucun cas la sanction.
Pour en savoir plus : Les cahiers du CSE N°212 mars 2021