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Absence de mécanisme de protection contre le harcèlement sexuel et atteinte au respect de la vie privée et familiale


La CEDH s’est prononcée, le 30 août dernier, dans une affaire qui concernait des allégations de harcèlement sexuel sur le lieu de travail formulées par une femme de ménage travaillant dans la gare Timisoara Est, à la suite d’une plainte déposée par elle contre le directeur de la gare qu’elle accusait
d’avoir tenté à plusieurs reprises, sur une période de deux ans, de la contraindre à avoir des relations sexuelles avec lui.

Elle alléguait que face à ses refus, il était devenu verbalement agressif, avait refusé de lui fournir les produits de nettoyage dont elle avait besoin pour accomplir ses tâches, puis l’avait accusée de ne pas faire son travail correctement.
Si le point principal concernait la défaillance de l’État et de l’appareil judiciaire roumains, l’arrêt pointe néanmoins les défaillances de l’employeur. Ainsi, avant de porter plainte, la salariée avait parlé du comportement du chef de gare à son responsable au sein de l’entreprise de nettoyage et lui avait
expliqué qu’elle n’avait pas dénoncé le chef de gare plus tôt parce qu’elle avait peur de lui et qu’il s’était souvent moqué d’elle en lui disant que personne ne croirait une simple femme de ménage. Avec son responsable et un employé de la compagnie ferroviaire qui supervisait le contrat avec l’entreprise de nettoyage, elle avait ensuite rencontré le responsable de la sécurité des passagers auprès de la branche régionale de la compagnie ferroviaire pour discuter du comportement inapproprié du chef de gare.

Cinq jours plus tard, le responsable de la sécurité des passagers avait convoqué dans son bureau la salariée, l’employé chargé de la supervision du contrat de nettoyage et le chef de gare, qui s’était alors excusé en termes généraux.
L’employée a ensuite été obligée de prendre ses congés annuels et, à son retour trois semaines plus tard, on lui laissa le choix de travailler dans une autre gare ou de démissionner. Elle choisit la démission.

La CEDH relève que malgré l’existence d’une politique interne interdisant tout comportement contraire à la dignité de la personne et encourageant le signalement de tout harcèlement de la part de la direction, le responsable de la sécurité des passagers, qui avait été informé de la situation et avait
entendu les parties concernées, a refusé d’examiner l’affaire et conseillé à la victime de s’adresser à la police si elle le jugeait nécessaire.
De plus, il a soumis la victime à une confrontation dans son bureau avec le chef de gare sans l’en avoir préalablement avertie.
Rien n’indique qu’il ait orienté la requérante vers une autre personne de l’entreprise qui aurait pu l’aider à résoudre le problème ou qu’il ait lui‐même attiré l’attention de la personne compétente au sein de la compagnie ferroviaire.

La Cour note qu’aucune enquête interne n’a été menée. Dans ce contexte, la Cour estime que les mécanismes n’ont pas été mis en place au niveau de l’employeur pour traiter la question du harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

La Cour précise qu’il lui est impossible d’évaluer « si des mécanismes ont été mis en place au niveau de l’employeur pour faire face au harcèlement sexuel sur le lieu de travail ». Si elle n’était pas saisie sur ce
point, elle précise néanmoins que cette impossibilité de mettre en évidence des mécanismes de protection peut, en soi, « aller à l’encontre des exigences de l’article 8 de la Convention » concernant la protection de la vie privée et familiale.

Pour en savoir plus : Cour européenne des droits de l’homme, 30 août 2022, nº 47358/20 https://www.lexbase.fr/article-juridique/87974908-breves-defaillances-dans-une-enquete-penale-concernant-des-allegations-de-harcelement-sexuel-sur-le

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