La Cour de cassation a validé un accord collectif permettant à l’employeur d’évaluer, sur la base d’un référentiel, les compétences mises en œuvre par un représentant du personnel dans l’exercice de son mandat et ce afin de les intégrer dans son évolution de carrière.
Pour mémoire, L’article L 2141-5 du Code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de formation professionnelle et d’avancement. Cependant Modifié la loi Rebsamen (loi 2015-994 du 17-8-2015)permet toutefois aux partenaires sociaux de négocier un accord collectif de conciliation entre vie personnelle, vie professionnelle et fonctions syndicales et électives qui peut prendre en compte dans leur évolution professionnelle « l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice des mandats ».
En l’espèce, un accord collectif de groupe relatif au parcours professionnel des représentants du personnel conclu en 2016 prévoit un Entretien d’appréciation des compétences et d’évaluation professionnelle qui a pour objet d’identifier et d’apprécier les compétences pouvant être mobilisées par le représentant du personnel dans l’exercice de son mandat, et d’intégrer cette analyse dans le cadre de sa gestion de carrière et son parcours professionnel. Pour la mise en œuvre du dispositif, la DRH a mis à la disposition des entreprises du groupe une méthodologie, des modèles et des supports d’entretien.
Déboutées en première instance puis en appel, les organisations syndicales non signataires ont saisi la Cour de cassation d’un pourvoi en soutenant que :
– l’accord permet à l’employeur de prendre en considération l’évaluation qu’il fait de la façon dont le représentant du personnel concerné exerce ses mandats pour arrêter ses décisions en matière de formation, d’avancement et de rémunération ;
– le dispositif conduit l’employeur à évaluer la qualité de l’activité syndicale ou élective des représentants du personnel, et leurs besoins en formation dans ce cadre.
La chambre sociale de la Cour de cassation déboute les organisations syndicales en validant le dispositif mis en œuvre et en retenant plusieurs conditions cumulatives :
– son objet doit être conforme aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article L 2141-5 du Code du travail : la prise en compte de l’expérience acquise par le salarié dans son mandat dans son évolution professionnelle ;
– le dispositif doit être mis en place par accord collectif ;
– la participation du représentant du personnel au processus d’évaluation doit être facultative ;
– les organisations syndicales doivent être associées aux modalités d’appréciation par l’employeur des compétences mises en œuvre dans l’exercice du mandat ;
– le dispositif doit pouvoir déboucher sur une offre de formation ;
– l’analyse des compétences du salarié est destinée à être intégrée dans l’évolution de carrière du salarié.
A retenir de cette décision :
*l’élaboration du dispositif doit être issue d’une concertation entre les organisations syndicales et l’employeur.
*l’employeur peut avoir le dernier mot sur l’appréciation des compétences reconnues au salarié : à l’issue des entretiens qu’il mène, il analyse les compétences du salarié, les évalue et intègre ses conclusions individuelles, et non concertées à l’évolution de carrière de l’intéressé.
* des référentiels de compétences ne portent pas atteinte au principe de liberté syndicale s’ils sont élaborés par l’employeur après négociation avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ; s’ils sont objectifs et pertinents et mis en œuvre par l’employeur dans le respect du principe de non-discrimination.
A conseiller : pour échapper à toute suspicion de discrimination – et, partant, limiter les contentieux – l’accord de valorisation des compétences des représentants du personnel peut associer à l’employeur et aux organisations syndicales un tiers à l’entreprise, et lui confier la mission d’élaborer les référentiels d’évaluation des compétences, voire de mener les entretiens avec les représentants du personnel.
Pour en savoir plus : Cass. soc. 9-10-2019 n° 18-13.529 FS-PBRI