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Le licenciement pour port du voile islamique est une violation de la liberté religieuse : décision du Comité des droits de l’homme des Nations Unies du 10 08 18.

Dans une décision rendue le 10 août 2018 sous la présidence de l’Arabie Saoudite, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies a constaté une violation par la France des droits humains d’une employée d’une crèche, licenciée en 2008 pour ne pas avoir respecté la politique de l’établissement interdisant le port du voile islamique.

Le Comité retient :

* l’absence d’un but légitime et de proportionnalité de la mesure de licenciement, ce qui viole le droit de l’employée à librement exprimer ses convictions religieuses.

*une discrimination inter-sectionnelle basée sur le genre et la religion.

Pour mémoire, l’employée travaillant dans la crèche depuis 1991 et ayant l’habitude de porter un voile depuis 1994, a été licenciée à son retour de congé parental en 2008 sur la base du règlement intérieur imposant aux salariés la neutralité en matière religieuse.  La Cour de Cassation a, en 2014, confirmé la décision de la crèche de licencier l’employée sans indemnités de licenciement.

L’intéressée ayant saisi le Comité des droits de l’homme d’une plainte, celui-ci a considéré que conformément à l’article 18 du Pacte des droits civils et politiques, la France aurait dû établir que l’interdiction du port du voile islamique était une mesure nécessaire et proportionnée à l’objectif recherché ;

Le comité reproche notamment que la France n’a pas :

*expliqué les raisons pour lesquelles il était nécessaire d’imposer que l’employée ne porte pas le voile comme une condition à son maintien en fonction,

*démontré la proportionnalité de son renvoi sans indemnités de licenciement face à sa décision de porter le voile au sein de la crèche.

Le Comité a également retenu que:

la politique de la crèche s’opposant à ce que de jeunes enfants soient éduqués par des femmes portant le voile pouvait conduire à la stigmatisation d’une communauté religieuse ;

* la France n’a pas fourni d’explications convaincantes sur le dommage dont elle souhaite protéger les enfants ou les parents en évitant qu’ils soient en contact avec un membre du personnel porteur du voile ou sur le fait que le licenciement de l’employée était une réponse proportionnée.

pour conclure que la manière dont l’intéressée a été traitée n’était pas basée sur des critères raisonnables et objectifs, ce qui caractérise une forme de discrimination inter-sectionnelle, directement dirigée contre l’employée en ses qualités de femme et de musulmane.

A noter que le Comité estime n’avoir ni examiné ni porté de jugement sur le principe de laïcité, la décision se référant seulement à la décision spécifique de licencier une personne sans indemnités de licenciement.

Le Comité demande à la France d’accorder à l’intéressée une compensation adéquate pour le dommage subi, y compris la perte de son emploi, de lui rembourser les frais de justice, et de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir que de telles violations aient lieu à l’avenir. Le Comité, rappelant que la France a l’obligation, en sa qualité d’Etat partie, de respecter les obligations qui découlent du Pacte des droits civiles et politiques, lui demande de mettre en œuvre sa décision. 

De quoi relancer le débat qui avait donné lieu à une longue procédure judiciaire …

Pour en savoir plus : texte intégral de la décision 2662/2015, accessible sur ce lien .

 

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