L’action de groupe devrait bientôt évoluer dans le cadre de la présentation du plan national 2023-2026 de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. L’une des pistes afin de renforcer la lutte contre les discriminations au travail est en effet de « renforcer les actions de groupe en rendant « plus opérationnelles » celles pouvant être conduites par les organisations syndicales et les associations en cas de discrimination dans l’emploi ou l’accès à l’emploi.
Cette piste devrait passer par la proposition de loi des députés LR, déposée en décembre dernier, dans le prolongement de la mission d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, dont les conclusions ont été présentées au mois de juin 2020. Le bilan de cette nouvelle procédure était décevant : sur 32 actions de groupe intentées en France depuis 2014, dont 20 dans le domaine de l consommation, seules 6 procédures ont eu un résultat positif : 3 déclarations de responsabilité du défendeur et 3 accords amiables ».
Principaux changements :
*Harmoniser les actions de groupe :L’une des modifications majeures de la proposition de loi est d’harmoniser les différentes actions de groupe existantes et de supprimer les dispositions spécifiques dans les différents codes.
La Défenseure des droits, dans son avis du 23 février, « salue la volonté du législateur d’instaurer, par la création d’une loi non codifiée dédiée, un régime général de droit commun des actions de groupe applicable dans tout domaine. Par ce cadre de référence commun, le droit des actions de groupe gagne en lisibilité et en accessibilité. En mettant fin à la disparité des régimes existants, la proposition de loi garantit par ailleurs une meilleure intelligibilité de ce droit ».
Le texte définit l’action de groupe comme celle « exercée en justice par un demandeur pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, subissant des dommages ayant pour cause commune un même manquement ou un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par toute personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle, par toute personne morale de droit public ou par tout organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. L’action de groupe est exercée pour obtenir soit la cessation du manquement, soit la réparation des préjudices.
*Etendre les initiateurs de l’action de groupe :La proposition de loi élargit le champ des personnes susceptibles d’initier une action collective. La Défenseure des droits rappelle dans son avis qu’en l’état actuel du droit, l’action de groupe est seulement ouverte aux organisations syndicales et à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap. Concernant le champ de l’emploi, seules les organisations syndicales peuvent initier une action de groupe ; les associations ne peuvent le faire que pour les cas de refus d’embauche et de stage.
La nouvelle formulation des articles supprime la distinction entre le stade de l’embauche et les discriminations subies dans l’emploi : une association pourrait désormais, selon la proposition de loi, initier une action de groupe pour discrimination dans la carrière. Les syndicats semblant avoir concentré leurs actions sur des motifs pour lesquels ils sont sensibilisés, soit parce qu’ils les concernent très directement (discriminations syndicales), soit parce qu’ils font l’objet de négociations collectives obligatoires auxquelles ils participent (égalité femmes/hommes), la limitation du recours collectif aux syndicats en matière de carrière apparaît restreindre de fait l’accès au recours des groupes discriminés dont la situation serait insuffisamment prise en compte par les organisations syndicales.
La proposition de loi prévoit d’élargir la qualité pour agir aux associations agréées, aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte (et non plus 5 ans), aux associations agissant pour le compte d’au moins cent personnes physiques se déclarant victimes, aux associations agissant pour le compte d’au moins dix personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés.
L’action de groupe pourra être exercée par les associations agréées ; les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ;les associations régulièrement déclarées agissant pour le compte soit d’au moins 100 personnes physiques, soit d’au moins 10 personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales se déclarant victimes d’un dommage, causé par le défendeur .
Et par les organisations syndicales représentatives, au sens du code du travail ou du code général de la fonction publique, et les organisations syndicales représentatives de magistrats de l’ordre judiciaire : en matière de lutte contre les discriminations ; en matière de protection des données personnelles ; lorsqu’elle tend à la cessation du manquement d’un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur.
*Simplifier la procédure La proposition de loi supprime l’étape de mise en demeure préalable et prévoit la possibilité pour le juge de la mise en état d’ordonner toutes les mesures provisoires utiles pour faire cesser, dans un délai qu’il fixe, le manquement allégué Le juge de la mise en état pourra ainsi intervenir rapidement pour faire cesser des situations discriminatoires évidentes au regard du dossier des demandeurs. Autant d’évolutions qui satisfont la Défenseure des droits.
La proposition de loi prévoit une réparation intégrale du préjudice. Le texte revient sur une limitation que prévoit actuellement le droit quant au préjudice indemnisable. En effet, en vertu de l’article L.1134-8, alinéa 2 du code du travail, sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l’action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande de cessation. L’article L. 1134-8, alinéa 2 du code du travail contraint actuellement les victimes de discrimination à devoir intenter de nouveaux recours individuels à l’issue de l’action de groupe, par exemple aux prud’hommes s’agissant de salariés, s’ils souhaitent voir indemnisés les préjudices antérieurs à celle-ci. Désormais, tous les préjudices, même antérieurs à l’action de groupe, pourront pertinemment être réparés via un unique contentieux.
*Registre national des actions de groupe :La proposition de loi crée un registre public des actions de groupe en cours devant l’ensemble des juridictions est tenu et mis à la disposition du public par le ministre de la justice, réponse à des enjeux de publicité et de traçabilité. La tenue d’un registre public des actions de groupe permettra au Défenseur des droits et organisations concernées de connaître les actions en cours.
*Compétence juridictionnelle en matière d’action de groupe :Le texte confie à des tribunaux judiciaires spécialement désignés le traitement des actions de groupe engagées en toutes matières. Cette mesure permettra aux tribunaux désignés de développer une expertise essentielle pour le traitement de ces contentieux lourds et complexes et renforcera par conséquent l’efficacité du traitement des actions de groupe.
*Droit transitoire : La proposition de loi va permettre d’éviter certains obstacles liés au droit transitoire. La loi du 18 novembre 2016 empêche en effet de prendre en compte les discriminations avérées avant l’entrée en vigueur de la loi et l’interprétation actuelle des dispositions légales semble empêcher de prendre en compte tout élément probatoire antérieur qui se rapporterait à la situation discriminatoire. Si le texte est adopté, il n’y aura cette limitation dans le temps, sauf pour la disposition concernant la sanction civile.
A noter que la Défenseure des droits souhaite que soient adoptés d’autres changements, notamment la possibilité pour les associations et les syndicats, dès le déclenchement de la procédure, de faire connaître par voie de publicité l’action de groupe intentée, disposition qui a été retirée de la proposition de loi initiale par la commission des lois.
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