Archives de Tag: Elargissement des personnes protégées

Lanceurs d’alerte : transposition de la directive

La transposition de la directive lanceurs d’alerte, (UE) 2019/1937 du 25 septembre 2019 qui doit être effective d’ici la fin de l’année, doit intervenir par deux propositions de loi rénovant le cadre juridique de la loi Sapin II.

Les deux propositions de loi (ordinaire et organique) se centrent sur ce sujet et n’intègrent pas d’autres dispositions d’adaptation de la loi Sapin II; les textes seront débattus à la rentrée, le Conseil d’État étant saisi pour avis.

La directive lanceurs d’alerte impose une protection renforcée par rapport au droit français, mais limitée aux compétences de l’Union. Le droit européen est plus dense et détaillé que la loi Sapin II; les États ont la possibilité de généraliser les dispositions européennes dans le statut général des lanceurs, au-delà des compétences de l’Union, voie retenue par la proposition parlementaire.

Actuellement, la loi Sapin II prévoit que le lanceur d’alerte doit se lancer « de manière désintéressée et de bonne foi ». Le texte proposé vise à remplacer « de manière désintéressée » par l’absence de « contrepartie financière directe » et la bonne foi n’est pas précisée. Le secret-défense, le secret médical, le secret de l’enquête et de l’instruction et le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte.

L’article 2 élargit le champ des personnes physiques ou morales protégées : seront couverts les éventuels facilitateurs comme les syndicats, les personnes liées au lanceurs d’alerte ou à leur entreprise (un sous-traitant, client…).

L’article 3 traite des canaux internes et externes de signalement. Le droit français actuel privilégie l’alerte interne (supérieur hiérarchique, référent) : une alerte externe (autorité administrative ou justice) ne peut intervenir que dans certaines situations ou dans un second temps. La directive met sur le même plan alerte interne et externe. L’éventuelle divulgation publique (par voie de presse) sera possible dans des cas élargis par rapport au droit existant :

  • absence de traitement du signalement sous 3 ou 6 mois ;
  • danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ;
  • ou lorsque l’alerte externe ne peut « permettre de remédier efficacement à l’objet de la divulgation »,
  • qu’elle fait encourir à son auteur un risque de rétorsions,
  • ou en raison de « circonstances particulières de l’affaire » (destruction de preuves ou collusion).

L’article 5 précise les représailles contre lesquelles les lanceurs d’alerte sont protégées: outre les cas déjà prévus et repris: licenciement, sanction, refus de promotion…, d’autres situations sont visées: (modification des horaires de travail, évaluation de performance négative, coercition, intimidation, harcèlement, atteintes à la réputation de la personne, non-conversion d’un contrat temporaire en un contrat permanent, mise sur une liste noire… Sont aussi inclus les cas où un contrat serait résilié de manière anticipée, une licence ou un permis annulé, voire une orientation entreprise du lanceur d’alerte vers un traitement psychiatrique ou médical.

Il est prévu qu’un lanceur d’alerte pourra, lors d’un procès, alléguer que « cette procédure constitue une mesure de représailles » et demander au juge de lui allouer une provision pour frais de l’instance, à la charge de l’autre partie. Un agent public aura la possibilité d’agir en référé liberté devant le juge administratif pour sauvegarder son droit d’alerte.

Les actions relatives au droit d’alerte ne pourront faire l’objet d’une renonciation ni être limitées par un quelconque accord ou une quelconque politique, forme d’emploi ou condition de travail .

L’article 8 prévoit un nouveau délit de représailles à l’égard d’un lanceur d’alerte, puni de 3 ans d’emprisonnement. L’article 9 oblige, en cas de besoin, les autorités responsables d’un canal de signalement externe à organiser un soutien financier et psychologique pour les lanceurs d’alerte.

Le Défenseur des droits pourra être destinataire des alertes externes: la proposition de loi organique prévoit qu’il établira une procédure permettant le recueil, l’orientation et le traitement des signalements relevant de sa compétence. Il pourra aussi se prononcer sur la qualité de lanceur d’alerte, au regard des conditions prévues par la loi.

Pour en savoir plus : éditions législatives 22 07 21proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

Poster un commentaire

Classé dans Brèves