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Frais de transport: l’éloignement de la résience habituelle sans incidence

Un jugement du 5 juillet 2022 du Tribunal judiciaire de Paris retient que l’éloignement géographique du domicile du salarié pour convenance personnelle ne peut pas justifier un refus de remboursement des frais de transports en commun pour les trajets domicile-lieu de travail.


De nombreux salariés ont décidé de déménager pour disposer d’un cadre de vie plus agréable et moins coûteux, et se sont éloignés de leur lieu de travail : se pose la question relative au remboursement des frais de transport entre leur nouvelle résidence et leur lieu de travail.

Les articles L 3261-2 et R 3261-1 du Code du travail prévoient que l’employeur doit prendre en charge 50 % du coût des titres d’abonnement souscrits pas ses salariés pour les déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélo; en l’espèce, des salariés se sont vus refuser le remboursement de leurs frais de transport domicile-lieu de travail à la suite de la mise à jour des modalités internes de remboursement de ces frais. Un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle et le lieu de travail avait été créé : pour obtenir le remboursement de ces frais, les salariés dont la résidence habituelle ne se situait pas en Île-de-France, contrairement au lieu de travail, devaient justifier d’une durée de transport Paris-province inférieure à 4 heures par jour aller-retour, afin d’être réalisable dans la journée. Par ailleurs, un usage au sein de l’entreprise prévoyait une prise en charge par l’employeur à hauteur de 60 % du coût des titres de transport.

Le CSE a saisi le TJ de Paris afin de voir abandonner le critère d’éloignement géographique et d’obtenir le respect de l’obligation de remboursement du coût des abonnements aux transports publics souscrits pour les trajets résidence habituelle-lieu de travail sans distinction entre les salariés: le tribunal a considéré injustifié le refus de l’employeur de rembourser les frais de transport de certains salariés.

L’employeur avait fait valoir que dans le contexte de développement du télétravail, faisant suite à l’épidémie de Covid-19, il avait constaté une augmentation du nombre de salariés fixant leur résidence en province par convenance personnelle alors que leur lieu de travail se situait à Paris. Il avait alors été décidé de fixer un critère d’éloignement géographique conditionnant le remboursement des frais de transport au sein de l’UES.

L’employeur avait fait valoir plusieurs arguments pour justifier sa position :

-l’accord de télétravail ne prévoyait aucune régularité du télétravail ni de jours fixes de télétravail et permettait ainsi au manager de demander à ses équipes de venir sur site quand nécessaire ;

-l’obligation de remboursement des frais de transport domicile-lieu de travail avait été créée région par région sans envisager les déplacements interrégionaux ;

-le critère de convenance personnelle est pris en compte pour l’appréciation de l’exonération de charges sociales de la part supérieure à 50 % pris en charge de manière facultative par l’employeur;

-il n’était pas favorable au remboursement des déplacements des salariés qui ont décidé par convenance personnelle de s’installer loin de Paris et de bénéficier d’un coût de la vie inférieur à celui de l’IDF.

Le CSE soutenait que la mise en place du critère d’éloignement géographique instaurait une différence de traitement injustifiée entre les salariés et que cela portait en outre atteinte de manière illégitime à la liberté du salarié d’établir son domicile au lieu de son choix.

Le TJ a écarté les arguments de l’employeur en retenant que:

-l’organisation du télétravail n’a aucune incidence sur le lieu de résidence habituelle au sens de la prise en charge des frais de transport. L’accord collectif sur le télétravail ne faisait en effet pas mention d’une quelconque condition, et cette condition se heurterait dans tous les cas à la liberté des salariés de fixer leur domicile au lieu de leur choix  (art.8 de la Convention européenne des droits de l’Homme) ;

-le Code du travail fait uniquement référence à la prise en charge des frais de transport pour les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail, sans référence à un déplacement au sein d’une même région ni à une exclusion des déplacements effectués entre deux régions distinctes ;

-Les règles applicables en matière d’exonération de charges sociales et les règles du Code du travail sont différentes en ce qui concerne le remboursement des frais de transport;  cette obligation étant de portée générale, les salariés dont l’éloignement de la résidence habituelle du lieu de travail relève de la convenance personnelle doivent bénéficier de la prise en charge obligatoire ;

L’indifférence du choix du lieu de la résidence habituelle du salarié est donc réaffirmée: l’employeur a méconnu ses obligations légales en matière de remboursement des frais de transport en instaurant un critère d’éloignement géographique et a créé une différence de traitement injustifiée en privant une partie des salariés de ces remboursements de frais.

Le tribunal judiciaire a par conséquent condamné l’employeur à respecter l’obligation de remboursement des frais de transport conformément au Code du travail et à l’usage interne sans distinction en raison de l’éloignement de la résidence habituelle des salariés.

Pour en savoir plus :

TJ Paris du 5-7-2022 n° 22/04735, CSE de l’UES Natixis investment managers c/ Sté Natixis investment managers

https://www.efl.fr/actualite/actu_fdcc01a30-442a-4deb-bd83-732daa0d0164?utm_source=La-quotidienne&utm_medium=email&utm_campaign=QUOT20220912&id_tlm=uQmsgribq5whekJSlmDVG72e9pctHulpOAGP277qSWo%3D

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