Michel Weill a participé à une enquête, menée par Réalité du dialogue social, en région Auvergne-Rhône-Alpes sur la réalité du dialogue social dans les entreprises ayant, ou revendiquant, « un mode de gouvernance atypique. Qu’est devenu le dialogue social dans ces entreprises et en quoi ces formes de management, d’organisation et de gouvernance ont-elles permis de mieux résister à la crise sanitaire ?
L’enquête porte sur 14 PME de 15 à plusieurs centaines de salariés appartenant à différents secteurs d’activité de service ou de production, avec ou sans représentation des salariés, et de différents statuts, ayant entamé une mue managériale…Ces travaux empiriques se sont nourris de plusieurs publications ; Suzy Canivenc « Les nouveaux modes de management et d’organisation, Innovation ou effet de mode » ; « Le cas d’une coopérative de commerce alimentaire biologique » de C. Ollivier/ J.Deneuve et l’article de M.Richer, « Transformation du management, la révolution de la confiance »
La genèse de la démarche est très variable, souvent multifactorielle : expérience douloureuse à conjurer, événement conduisant à nouvelles idées, lecture d’un théoricien, rencontre, participation à un réseau/organisation, volonté humaniste, conviction que la performance passe par l’engagement et la reconnaissance de tous…
*A propos de la gouvernance : on relève des innovations de gouvernance, managériales et organisationnelles, les premières n’étant pas es plus nombreuses.-Parmi les SCOP du panel, seule leur gouvernance peut être qualifiée de démocratique : le CODIR et la gérance constituant les lieux du partage, avec l’élection périodique de ces instances. Dans la plus grande, 100 salariés, 3 représentants du CSE siègent au Conseil d’administration et en constituent le tiers aux côtés des 6 membres du CODIR. Aucun élu du CSE ne siège au CODIR, une réelle distinction entre dialogue managérial et dialogue social. -Dans les entreprises privées ou associations, le caractère innovant ou « libéré » concerne le management et l’organisation, mais pas la gouvernance : un caractère démocratique donc très encadré…
*A propos de la taille : Dans les entreprises d’une certaine taille, « l’innovation » vise à découper l’activité ou le métier en sous-unités : centres de profit ou équipes autonomes ou semi-autonomes. Plus innovant est la validation, voire le choix du leader par l’équipe et leur niveau d’auto-organisation…Dans les entreprises plus petites, la participation se joue au niveau de l’ensemble de l’entreprise : groupes de travail, « méta-cercles » pour fluidifier l’organisation et réguler les désaccords.
*A propos de l’organisation et de l’autonomie des collectifs : On note une plus grande autonomie individuelle laissée aux salariés, avec une évolution des collaborateurs vers une autonomie nouvelle. La place de la hiérarchie intermédiaire, absence, appui ou hiérarchie, reste toujours présente. Les modalités concrètes de l’autonomie sont très variées et souvent valorisée dans les projets de « libération » de l’entreprise. 2 entreprises ont adopté à l’initiative des directions et à la satisfaction de la quasi-unanimité des salariés, la semaine de 4 jours. Le degré de transparence, le mode de fixation et le mode de décision, la place de la participation et de l’intéressement varient considérablement d’une entreprise à l’autre.
*A propos des incidences COVID : Dans un premier tiers des entreprises, l’impact de la pandémie a été faible ou nul. Ensuite l’impact a été significatif sans entraîner de changements majeurs. Pour beaucoup, la pandémie a favorisé « une prise de conscience d’un changement de paradigme : adaptabilité au changement, équilibre entre coopération et compétition, prise de décisions individuelles, self-management… » Enfin les entreprises ont connu une évolution à la faveur de la crise qui a agi comme un vrai révélateur de profonds dysfonctionnements : obligation de faire confiance au management, projet de nouvelle organisation négocié en bonne intelligence avec les représentants du personnel, négociation d’une charte du télétravail en support d’une nouvelle organisation.
*A propos du dialogue social : Dans les entreprises de moins de 25 salariés, le dialogue social institutionnel n’existe pas ou joue un rôle tout à fait marginal. Certaines entreprises ont mis en place leur propre instance pour dialoguer avec les salariés: médiateurs-régulateurs élus, conseil d’entreprise, instance d’information/consultation, mais pas de décision, recours au référendum. Dans 3 des 5 entreprises de 50 à 100 salariés, le dialogue social est actif à travers le CSE élu sur listes non syndicales. Ce n’est que dans les entreprises de plus de 200 salariés que le dialogue social institutionnel est porté par des syndicats, mais selon 2 tendances : *dans une entreprise il a été largement vidé de sa substance par le nouveau management libéré, malgré la signature d’un accord QVT. *dans une autre, il a pris de l’ampleur sous l’impulsion du dirigeant : apparition de 2 délégués syndicaux, meilleure définition des rôles entre conseil d’administration comprenant des salariés-actionnaires et la représentation du personnel au sein du CSE.
On observe vraiment deux catégories de dirigeants qui initient de nouveaux modes de management : ceux qui ont une représentation négative du dialogue social, celui-ci est compris comme une tentative pour s’en passer. Le dialogue social, quand il existe, reste très formel et les choses importantes se passent ailleurs : ceux qui en ont une vision positive, ou pour le moins neutre, et qui cherchent les voies d’intégration du dialogue social dans la stratégie d’organisation mise en place, quitte à en imaginer de nouvelles modalités.
Après cette approche dans différentes expériences nouvelles de changement de management, la conviction est que le dialogue social garde toute sa valeur dans une organisation qui a compris l’importance du travail dans la performance.
Pour en savoir plus : https://www.metiseurope.eu/2023/04/08/manager-differemment-rend-il-le-dialogue-social-inutile%e2%80%89/