Un arrêt de travail en soutien à un collègue licencié, sans revendications collectives, est-il une grève ?
En l’absence de revendications professionnelles, la cessation de travail de salariés n’est pas considérée comme une grève et l’employeur peut les licencier pour absence injustifiée. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation confirme cette position si, dans leur lettre adressée à l’employeur au moment de cesser le travail, les salariés se contentent de contester le licenciement d’un collègue.
Pour mémoire, la grève se caractérise comme la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles.
La question du caractère professionnel des revendications se pose souvent pour de grèves dites « de solidarité » déclenchées en réaction au licenciement d’un ou plusieurs collègues. Cette question est d’importance car si l’arrêt de travail n’est pas considéré comme une grève, les salariés qui ont cessé le travail ne bénéficient pas des dispositions protectrices du droit de grève telle l’interdiction de licenciement, sauf faute lourde par référence l’article L 2511-1 du Code du travail.
Il a déjà été jugé que l’arrêt concerté du travail simplement destiné à soutenir un ouvrier licencié pour une faute personnelle, alors qu’aucun intérêt collectif ou professionnel n’est en cause, ne constitue pas une grève et peut dès lors donner lieu à un licenciement pour faute grave. De même si la sanction infligée au salarié et motivant l’arrêt de travail n’implique qu’une faute personnelle, le mouvement de solidarité ne se rattache pas à des revendications professionnelles. Cependant a été considéré comme une grève un arrêt de travail déclenché non seulement pour défendre des salariés licenciés mais pour réclamer des élections professionnelles et défendre l’emploi ou pour protester contre le licenciement d’un salarié lui-même élu du personnel ou représentant syndical et porteur de revendications collectives.
A retenir : une cessation de travail seulement pour contester le licenciement d’un collègue n’est pas une grève
En ce qui concerne l’arrêt commenté, plusieurs salariés avaient cessé le travail pendant plusieurs jours en réaction au licenciement disciplinaire d’un de leurs collègues, dont ils sollicitaient la réintégration. Ils avaient annoncé leur grève à l’employeur par une lettre dans laquelle ils dénonçaient ses méthodes de contrôle du personnel, mais uniquement pour contester la sanction prononcée à l’encontre de l’intéressé. Dans ce conteste, 3 salariés licenciés pour absence injustifiée ont fait valoir la nullité de leur licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de grève.
La Cour de cassation, confirmant la décision d’appel qui les avaient déboutés, retient que :
-seul le contenu de la lettre informant l’employeur de leur mouvement doit être pris en compte pour apprécier les revendications préalablement portées à sa connaissance; en l’espèce, ce courrier se contentait de contester point par point les fautes imputées au salarié licencié.
-Si dans leur pourvoi, les salariés mentionnaient l’intervention d’un cabinet d’expertise qui avait préconisé, avant l’arrêt de travail, des mesures pour améliorer les conditions de travail et si le licenciement avait un rapport avec cet aspect collectif, cela ne figurait pas dans le courrier des salariés.
Pour en savoir plus : Cass. soc. 6-4-2022 n° 20-21.586 F-D, I. c/ Sté Itiremia