Archives de Tag: Harcèlement moral et sexuel

Licenciement et Vie privée : principes et exceptions

En principe, les faits et agissements accomplis en dehors du temps et du lieu de travail, ne peuvent servir de fondement pour une sanction ou un licenciement disciplinaire.

Une jurisprudence bien établie retient que l’employeur ne peut exercer sur la vie privée du salarié son pouvoir de direction et a fortiori son pouvoir disciplinaire. Cependant diverses exceptions sont reconnues :

*l’employeur peut prononcer un licenciement non disciplinaire relevant d’un fait relevant de la vie privée s’il créé un trouble objectif caractérisé dans l’entreprise : ainsi il est admis qu’un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié occasionnant un trouble caractérisé au sein de l’entreprise peut fonder un licenciement, sans pour autant revêtir de caractère fautif. Par exemple, a été reconnu justifié mais non fondé sur une faute grave le licenciement d’un salarié qui utilisait un véhicule dans l’exercice de son activité professionnelle se trouvant dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail en raison de la suspension de son permis de conduire résultant d’une infraction commise dans le cadre de sa vie privée. 

*un fait de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail. Parexemple, le fait pour une salariée de proférer des menaces à l’encontre d’une autre collaboratrice dans un cadre privé (propos laissés sur téléphone personnel) visant à « la détruire de façon très professionnelle et de faire circuler des bruits sur elle » s’inscrit dans un contexte de travail et constitue un manquement à une obligation découlant du contrat de travail. 

Un arrêt très récent (Cas soc 08 06 20 n°18-1831) illustre cette position dans une affaire où un steward avait commis un vol de portefeuille dans un hôtel partenaire de l’employeur et dans lequel il était affecté pendant le temps de l’escale. La Cour d’appel avait retenu le licenciement pour faute grave car  le salarié ayant gravement manqué à ses obligations professionnelles en termes de comportement et porté atteinte à l’image de son employeur. Les juges avaient relevé que c’est en raison de l’intervention de l’employeur que la victime n’avait pas porté plainte et que le salarié avait violé des obligations découlant de son contrat de travail lequel impose une obligation de loyauté, et du règlement intérieur.

La Cour de Cassation a confirmé que les faits se rattachaient bien à la vie professionnelle du salarié, ce qui permet une appréhension plus extensive par l’employeur des faits commis par le salarié dans le cadre de la sphère privée. Ainsi  des faits de harcèlement sexuel ou moral en dehors du temps et du lieu de travail sont susceptibles de justifier un licenciement pour faute grave.

Pour en savoir plus : https://www.fr.adp.com/rhinfo/2020/licenciement-et-vie-privee/

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Harcèlements : le prétendu humour…

Une sélection de jurisprudence des Cours d’appel, réalisée par les éditions Francis Lefebvre, sur la place d’un prétendu humour dans les situations de harcèlement moral ou sexuel:

*CA Versailles 14-5-2014 n° 12/04953: caractérise un harcèlement moral le fait pour un groupe de salariés, sous couvert d’humour, d’imposer continuellement à leurs collègues des propos grossiers et insultants dénigrant des membres de la hiérarchie ou des collaborateurs, une prise à partie collective de deux supérieures hiérarchiques et leurs déambulations bruyantes sans tenir compte des contraintes de l’organisation en open space, générant un surcroît de stress et pour les plus fragiles une véritable souffrance au travail

*CA Rennes 13-1-2017 n° 14/08156: l’atteinte à la dignité d’une salariée résultant de la répétition de courriels comportant des blagues à caractère sexiste ou pornographique ne saurait être légitimée ni par la forte pression ressentie par les salariés en raison de la situation économique et financière difficile de l’entreprise, ni par leur caractère généralisé au sein du service; un tel climat généralisé était présenté comme un gage d’appartenance à ce service, contraignant la salariée à y participer, sous peine d’être exclue du groupe.

* CA Versailles 25 01 2012 ° 09-2814: caractérise des faits de harcèlement sexuel des plaisanteries grivoises d’ordre sexuel et création d’un site Internet pornographique donnant les coordonnées personnelles d’une salariée ayant subi des quolibets en raison de son sexe qui circulaient dans l’entreprise, peu important qu’il s’agisse d’une entreprise de travaux publics évoluant dans un milieu essentiellement masculin. 11/00879).

*CA Paris 15-12-2010 n° 09-2814 : les commentaires adressés au salarié dans une lettre révèlent une volonté de l’employeur de porter atteinte à sa dignité, en ce qu’ils affirment que sa mutation dans un nouveau magasin situé dans un quartier très prisé des homosexuels, constituait une punition « humoristique », qui n’en était pas vraiment une, puisqu’il était transporté dans un nouveau lieu et un nouveau cadre avec une clientèle correspondant parfaitement à ses goûts. Il s’agit d’un fait de harcèlement et de discrimination ayant causé un préjudice au salarié.

*CA Aix-en-Provence 12-5-2017 n° 15/06139: caractérisent un harcèlement moral les plaisanteries racistes répétées subies par un salarié de la part de son supérieur hiérarchique, plusieurs salariés de l’entreprise témoignant notamment avoir entendu ce dernier déclarer « je vais te payer un billet aller simple pour le bled qu’on ne te revoie plus ».

Pour en savoir plus : 

https://www.efl.fr/actualites/social/contrat-de-travail/details.html?ref=ff925b09e-0d30-407f-bbfc-2647e91acf39&eflNetwaveEmail

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Harcèlement : Condamnation du harceleur à réparer le préjudice d’image de l’employeur

Le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut résulter que de sa faute lourde ne s’oppose pas à ce que l’employeur, partie civile, obtienne du juge pénal réparation du préjudice subi du fait de l’infraction de harcèlement commise par le salarié.

Contexte : Un salarié, licencié pour des faits de harcèlement sexuel et moral rapportés par plusieurs collègues, a porté plainte pour dénonciation calomnieuse. Le tribunal correctionnel intégrant la qualification de harcèlement moral a relaxé le prévenu. En appel, la cour a infirmé le jugement et déclaré le prévenu coupable de harcèlement moral ; il a été condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis et à des dommages et intérêts au bénéfice des salariées victimes des faits de harcèlement mais aussi à réparer le préjudice subi par l’employeur (500 € accordés à Air France), qui s’était également constitué partie civile.

Analyse : Le salarié faisait valoir dans son pourvoi que sa responsabilité pécuniaire envers l’employeur ne pouvait résulter que de sa faute lourde, laquelle suppose la caractérisation d’une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise ; en l’espèce, le juge pénal n’avait pas examiné l’existence d’une faute lourde et ne pouvait donc pas, selon le salarié, le condamner à indemniser l’employeur.

Cet argument est rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui retient que le délit de harcèlement moral et les autres agissements fautifs constatés par le juge ont directement causé un dommage à la société car le salarié a outrepassé les pouvoirs hiérarchiques qui lui étaient dévolus et a, ainsi, terni l’image de l’entreprise auprès des autres salariés.

A retenir : devant la juridiction pénale, les restrictions à la responsabilité civile du salarié tenant à la caractérisation d’une faute lourde ne s’appliquent pas.

Pour en savoir plus : Cas Crim. 14-11-2017 n° 16-85.161 F-PB

https://www.doctrine.fr/d/CASS/2017/JURITEXT000036051432

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