Le conseil de prud’hommes de Paris a été saisi d’une demande en reconnaissance de discrimination systémique à l’égard de 25 salariés maliens en situation irrégulière, affectés aux emplois les plus pénibles de manœuvres et aux tâches les plus dangereuses.
*Le contexte : en 2014, des travaux sont réalisés sur un important chantier immobilier avec des travaux de démolition confiés à des sous-traitants utilisant des travailleurs maliens sans papiers. A la suite d’accidents non déclarés,l’inspection du travail intervient. La première société intervenante résilie le contrat de sous-traitance la liant à un second sous-traitant. Les travailleurs ayant organisé un piquet de grève, le TGI de Paris saisi en référé a ordonné l’expulsion des travailleurs du chantier.
*la stratégie judiciaire: l’avocat en charge des travailleurs maliens a choisi la voie de la médiation en concluant une transaction avec le donneur d’ordre et le premier sous-traitant aboutissant à la régularisation des papiers, à une proposition de contrat de travail et le bénéfice d’un outplacement. Le second sous-traitant n’étant pas partie à cette transaction, a été assigné devant le conseil de prud ’hommes.
*les procédures engagées: L’inspection du travail a adressé au procureur de la République un procès-verbal pour travail dissimulé, défaut d’autorisation de travail, manquement à l’obligation de sécurité et conditions de travail indignes ; étaient également relevée l’absence de contrat de travail, de cotisations versées à l’Urssaf, d’équipements de sécurité et de protection.
Le tribunal correctionnel saisi du dossier concernant la chute d’échafaudage a condamné la second sous-traitant à 15 000 euros d’amende et le dirigeant à 6 mois de prison avec sursis pour violation délibérée de l’obligation de sécurité à l »occasion de travaux temporaires en hauteur d’échafaudage ne préservant pas la sécurité du travailleur.
*sur le plan prud’homal: lors de l’audience du 23 mai, le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations relatives à :
*des discriminations multiples infligées aux travailleurs dépourvus d’autorisation de travail employés par le sous-traitant.
* des traitements discriminatoires rendus possibles par une hiérarchisation des fonctions dans l’organisation du travail au sein du chantier avec pour conséquence de reléguer les réclamants en raison de leur origine malienne et la précarité induite par leur situation administrative, aux tâches les plus difficiles et dangereuses.
*de graves violations de l’employeur fondées sur l’origine et la nationalité des travailleurs concernés qui caractérisent une discrimination systémique.
Cette notion est nouvelle et permet de faire établir des mesures discriminatoires à la fois en raison des origines et de leur nationalité à l’égard de personnes assignées aux tâches les plus difficiles et dangereuses dans des conditions indignes, ce qui conduit à cumuler plusieurs facteurs : les stéréotypes et les préjugés sociaux ; la ségrégation professionnelle dans la répartition des emplois entre catégories ; la sous-évaluation de certains emplois…
Le conseil de prud’hommes aura à répondre à la question de savoir si la discrimination systémique est caractérisée dans les circonstances de l’espèce. A noter que différents travaux menés par des sociologues ont mis en valeur de pratiques dans le secteur du bâtiment conduisant à affecter les travailleurs d’une origine donnée à un certain type de tâches ; la preuve de l’existence d’un système hiérarchique pyramidal en fonction de l’origine des travailleurs au sein du chantier sera donc déterminante.
Le délibéré est attendu pour la fin de l’année.
Pour en savoir plus : ITV de l’avocat en charge de la défense des demandeurs.
https://www.liaisons-sociales.fr/Content/DocumentAlaune.aspx?params