3 questions à Evelyne PHILIPPON, Formatrice et consultante en Ressources Humaines, feel-rh
*Quels enjeux observe-t-on ?
D’une manière générale, on assiste aujourd’hui à des phénomènes de repli et fermeture en lien avec le religieux, susceptibles d’engendrer une fracture sociale. Par ailleurs, se généralise une prise de conscience rendant nécessaire que l’entreprise se saisisse du sujet car en ce domaine la loi ne peut tout imposer. Enfin, le management est de plus en plus confronté à la gestion de la diversité, dont l’expression religieuse fait partie, avec une forte attente de soutien et d’accompagnement pour résoudre les difficultés au quotidien.
Dans ce contexte, il est indispensable d’intégrer la problématique du fait religieux dans l’entreprise dans la gestion des ressources humaines pour assurer la cohésion de la communauté de travail.
*Quels conseils pratiques pouvez-vous donner aux entreprises afin qu’elles soient prêtes à répondre à de tels enjeux ?
Il est très important de :
- S’outiller juridiquement pour être à même de prendre en compte les différentes réglementations applicables et retenir des solutions sécurisées et adaptées à son propre contexte.
- Dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes en mettant en œuvre une solide concertation avec les instances de représentation du personnel et le management pour être en ligne avec la réalité des relations de travail.
- Former, sensibiliser et communiquer pour mobiliser les acteurs autour des règles définies et diffusées et accompagner les managers de proximité dans leur gestion des situations du quotidien.
*Que peut-on répondre à la question fréquemment posée sur le port de signes religieux dans l’entreprise ? Jusqu’où peut-on aller en termes de neutralité ?
Une jurisprudence récente est venue éclairer cette question épineuse: 2 arrêts de la Cour de Justice de l’Union Européenne de mars 2017 rendus à propos du voile islamique.
Suite à ces arrêts, voici ce qu’il faut retenir :
- L’obligation de neutralité imposée par une règle interne à l’entreprise n’est en principe pas une discrimination directe.
- En l’absence d’une telle règle interne à l’entreprise, la qualification de discrimination peut être écartée en raison d’une exigence professionnelle nécessaire et déterminante. Il faut donc une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Or dans le cas jugé (par la Cour de Justice de l’UE) a été retenue comme « subjective » la volonté de l’employeur de se conformer au souhait d’un client ne voulant pas travailler avec une femme voilée : il n’y avait donc pas une exigence professionnelle susceptible d’exclure la qualification de discrimination.
C’est donc à la lumière de ces principes que les juges français traiteront les dossiers qui leur seront soumis : d’où l’importance de clarifier les règles internes et d’agir sur la base de dispositions sécurisées.
Evelyne Philippon