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ITV Laurent Berger : France Inter 16 11 2020

Questions à Laurent BERGER, secrétaire général de la CFDT et Président de la Confédération européenne des syndicats:

*Perception sur le climat général actuel ? Beaucoup d’inquiétude face à une fracture généralisée et  au développement de la précarité/fragilité, ce qui crée beaucoup de tensions.

Le débat public montre que de nombreux acteurs ne sont pas à la hauteur des enjeux : on assiste à une précarité démocratique alors qu’il est nécessaire de chercher à s’en sortir ensemble.

Ce sentiment d’inquiétude n’est pas pourtant un sentiment de désespoir : des solutions existent et les acteurs doivent s’en emparer, raison pour laquelle il convient de leur laisser une capacité d’agir sur le terrain. C’est la richesse de la démocratie d’exercer sa capacité à participer aux choix possibles.

*Perception sur le climat économique et social ? L’expression d’une grande lassitude avec un double problématique : la crainte de perdre son emploi  (fin CDD, Intérim, suppression d’emploi…) et la fatigue au travail (développement du télétravail, arrêt maladie de longue durée, stress  et fatigue psychique…)

*Point de vue sur la situation des petits commerces ? La réouverture le plus vite possible est souhaitable  mais la situation sanitaire doit primer. Il ne faut pas oublier que les petites structures représentent beaucoup de salariés.

Des opérations comme le black Friday sont d’abord des problèmes de relation à la consommation. Il est ensuite nécessaire de réguler l’activité des entreprises comme Amazon tant au niveau national qu’européen. On peut envisager une taxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaires tout en ayant consciences que le sujet est identifié depuis longtemps en prenant en compte également les salariés d’Amazon qui sont aussi des travailleurs. L’appel au boycott fait plaisir mais n’est pas efficace : il convient d’abord de réduire personnellement sa consommation via Amazon et d’expliquer ce qu’il y a derrière.

S’agissant des effets de la fermeture, pour des raisons d’équité, des rayons dits non essentiels des supermarchés, cela provoque des mises en chômage partiel,  donc une hausse de dépenses publiques, ce qui n’est pas une bonne chose. Il est nécessaire de mieux associer les travailleurs et les représentants à ce type de décisions : ce sont donc des sujets de dialogue social, de modalités de travail et de décisions publiques.

*Quelles solutions pour réduire les impacts sur le développement de la précarité ? La fiscalité est une solution : taxe Gafa, réintroduction de l’Isf et de la flex-taxe. Il est nécessaire de taxer le capital comme le travail mais l’Isf ne suffit pas, il faut aussi taxer la transmission de patrimoine pour mieux répartir la richesse.

S’agissant des SDF, il faut des mesures spécifiques avec du soutien ponctuel : chèque relance, minima sociaux pour les moins de 25 ans, rebond de la stratégie précarité…

*Opinion sur le dossier Bridgestone ? La fermeture était écrite ; il y a lieu de contraindre l’entreprise à financer le plan social via le reclassement et la ré-industrialisation. Cela confirme que les aides publiques doivent être accordées avec des contreparties sur le long terme : la conditionnalité est impérative.

Pour en savoir plus : https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-16-novembre-2020

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« Le modèle économique et social français est-il enviable ? »: débat aux Assises nationales de la citoyenneté sur le thème (20 01 18)

Table ronde avec :

  • Laurent BERGER, secrétaire général, Confédération française démocratique du travail (CFDT)
  • Éric HEYER, économiste, Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
  • Agnès VERDIER-MOLINIÉ, directrice, i.FRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques)
  • Pierre GATTAZ, président, Mouvement des entreprises de France (Medef)

 

Le modèle français est -il un modèle qui fonctionne ?

LB : Ce modèle doit être adapté aux contraintes du 21 ème siècle dans un contexte de précarisation, chômage, déficit de compétences, mutations technologiques car il ne répond plus aux nouvelles exigences …La réflexion à mener ne doit pas viser à remettre en cause la solidarité ; de ce point de vue, il n’est acceptable de pointer du doigt les salariés et de remettre en cause la protection sociale. La finalité ne peut pas être seulement économique car il faut être au service de la communauté.  Le sujet ne peut être appréhendé par référence aux masses financières mais par les objectifs et les impacts humains. Il faut distinguer ce qui relève d’un régime contributif (assurantiel) et ce qui relève de la fiscalité. Les marges de l’entreprise doivent servir à l’investissement pour le développement de l’activité mais aussi à la montée en compétences des salariés, ce qui pourra permettre de réduire le chômage. La négociation sur la formation professionnelle est un enjeu majeur pour assurer un vrai droit à la formation et à la reconversion.

PG : Le modèle a besoin d’être adapté à un monde qui exige agilité et réactivité ; le contexte français est encore contraignant, bureaucratique et entrave la liberté d’entreprendre. Tout ceci doit être simplifié pour valoriser l’innovation et la créativité qui sont fortes en France. Le modèle à construire doit viser à la fois l’excellence économique et être profondément humain, ce qui suppose de former et d’accompagner les transformations. Au niveau des partenaires sociaux, Il y a un partage sur l’objectif d’une nécessaire adaptation ; les modalités sont à déterminer avec une préoccupation majeure sur les coûts pour parvenir à faire mieux avec moins. Par ailleurs, motivation et engagement des salariés sont à développer, de même que les modes de fonctionnement des fonctionnaires.

AV : La France occupe une mauvaise position en termes de dépenses publiques ; tous les autres pays européens sont mieux placés. La question est de savoir si ce modèle est réellement protecteur d’autant que la fiscalité est très élevée pour financer des coûts importants sans apporter réellement de réponses au problème majeur du chômage. S’il ne s’agit pas de tout remettre en cause, il n’est possible de laisser des illusions sur le sujet du financement même si le retour à la croissance est une bonne chose mais insuffisante à régler les difficultés structurelles.

EH : Le modèle doit être transformé car les inégalités sont flagrantes même si elles sont moins visibles du fait de l’intervention publique ; c’est le système de redistribution qui assure de moindres inégalités. Il faut rechercher un financement plus juste entre une approche universelle (Allocations familiales, Assurance maladie) et une approche assurantielle (chômage, prévoyance) pour déterminer ce qui doit basculer vers l’impôt.  Le montant des dépenses publiques doit être relativisé par rapport à différents pays qui n’ont pas un modèle social du niveau de la France. L’Etat doit jouer son de stabilisateur pour mieux articuler performance sociale et performance économique.

Quelle feuille de route à construire ?

PG : Les entreprises doivent pour durer dans le temps avec la nécessité d’avoir les moyens pour innover, automatiser, exporter, former… le développement de la croissance et des emplois ne peut intervenir sans de ce préalable. L’Etat doit assurer son rôle en articulation avec les territoires non pour dépenser mais pour créer l’avenir. Certaines missions peuvent être transférer du public vers le privé : éducation, formation… ; il en résultera un retour en termes d’impôts et de développement. L’ingrédient majeur est la confiance des entrepreneurs ; les réformes récentes vont en ce sens. La réflexion doit s’engager sur 2 sujets : quelles taxes et quelles marges pour assurer le développement de l’activité et de l’emploi. On constate actuellement un changement de l’image de la France auprès des investisseurs étrangers ; ce mouvement doit être amplifié.

AV : Développer les entreprises est une exigence prioritaire ; il faut les donner les moyens de se capitaliser et de créer des emplois marchands. Si de petites entreprises se créent, c’est le plus souvent par nécessité plus que par opportunité d’où le nombre important de cessations d’activité. La fiscalité doit être au service de la création des emplois de demain. L’objectif est de se centrer sur les besoins de compétences utiles à la création de nouvelles richesses avec des emplois pérennes. Un sérieux inventaire doit être réalisé pour évaluer les conséquences des mesures prises : des études d’impacts doivent être systématiquement menées avec des méthodes valides de chiffrage permettant aux parlementaires de voter des réformes pertinentes. Il est nécessaire de pouvoir accéder aux données de gestion pour informer les citoyens et prendre les décisions sur des bases claires et solides.

LB : Le modèle de développement doit être défini autour de l’investissement dans l’économie marchande et de l’investissement dans la formation. Il faut être en capacité de répondre aux besoins de développement de certains secteurs : santé, éducation… pour assurer le vivre ensemble. La mutualisation des moyens et des compétences doit être renforcée pour disposer de biens communs au service de la collectivité.

EH : Le critère du taux de chômage doit être dépassé : il ne constitue pas un indicateur reflétant l’activité économique. L’urgence est de créer des emplois qui permettent de vivre avec une durée de travail suffisante, un salaire correct et l’accès au logement et au crédit.

https://www.franceinter.fr/emissions/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-20-janvier-2018

 

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