Archives de Tag: Lien de subordination

Travail dissimulé: condamnation de la plateforme Deliveroo, CA Paris 06 07 2022

La cour d’appel de Paris a condamné le 6 juillet 2022 la plateforme Deliveroo pour « travail dissimulé » dans une affaire opposant l’entreprise à un livreur à vélo qui a caractérisé l’existence d’une relation de travail.

Cette plateforme Deliveroo avait obtenu en 2017 et en 2021 deux arrêts favorables de la Cour d’appel de Paris en deuxième instance; l’entreprise est ainsi condamnée pour la première fois pour travail dissimulé, la cour d’appel de Paris ayant confirmé la requalification du contrat de prestation de service d’un coursier en contrat de travail.

Dans cette affaire, le demandeur a mis en évidence la fictivité de son indépendance à l’égard de la plateforme et l’existence d’une d’une véritable relation de travail, la preuve de l’existence d’un lien de subordination juridique permanent étant rapportée. La cour a admis au vu des preuves apportées que le système GPS utilisé servait à surveiller la flotte des vélos de livraison

.https://www.usine-digitale.fr/article/deliveroo-condamne-pour-travail-dissimule-par-la-cour-d-appel-de-paris.N2025912

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Travail hybride, Chronique de Jacques Brouillet, Avocat : Mode de management ou management d’une mode ?

Les débats et chroniques ne cessent de se multiplier pour une organisation hybride du travail, notamment avec le développement du télétravail pendant la pandémie de la Covid 19.
Il convient, à mon sens, de ne pas céder à ce qui ne serait qu’un phénomène de mode en négligeant de mesurer les effets – et parfois les méfaits ! – que ce que cela risque de produire sur les relations sociales en général, les caractères substantiels du contrat de travail, et la notion même d’entreprise.


*Cette dernière ne saurait se réduire à une communauté virtuelle – comme nous le démontre l’inefficacité de Facebook ! – ni même à une communauté éclatée entre plusieurs catégories de salariés dont certains sont considérés plus ou moins « indépendants », comme c’est déjà le cas pour les travailleurs des plateformes et alors que l’isolement est contraire à la notion même d’entreprise.

* Quant aux caractéristiques du contrat de travail, elles sont de plus en plus remises en cause, ainsi pour :
– le lien de subordination nécessairement altéré par les aspirations à plus d’autonomie et d’initiative, pourtant encouragées par les managers
-le lieu de travail qui devient à géométrie variable, y compris à l’étranger
-la durée et le temps de travail difficile à contrôler et mesurer comme cela est déjà le cas avec les forfaits jours.
-la rémunération au temps  passé  – sur la base des 35H ! – alors qu’il apparait que «  la rémunération au temps  passé est dépassée « et qu’il nous faut envisager d’autres critères tels la réalisation d’objectifs (réalistes), comme pour le travail à la tache ou le travail à domicile

*A cela s’ajoutent bien d’autres « métamorphoses du travail »  comme le relève Luc Ferry – le Figaro 9/6/22 en rappelant l’avertissement de Jeremy RIFKI  dans son ouvrage ancien préfacé par Michel ROCARD. « LA FIN DU TRAVAIL » où il estimait que l’IA et la robotique allaient mettre fin au salariat et justifier la mise en place du Revenu Universel de Base tandis que les disciples de Schumpeter considèrent que les nouvelles technologies vont au contraire créer de nouveaux emplois.

*Il n’en reste pas moins qu’à l’organisation hybride se mêlent désormais d’autres évolutions,
elles le co-working, le choix de l’intérim, les vrais/faux free-lance, étant remarqué qu’un travailleur indépendant sur 10 était sous le seuil de pauvreté de 1100 euros/mois en 2019 !


*Plus que jamais il parait nécessaire de « réinventer le contrat de travail » afin d’en faire un véritable «  contrat de confiance » et éviter la multiplication des formes de surveillance devenues l’expression de l’autorité de trop de manager et conduisant parfois à un Burn out devenu un mal préoccupant !

*Enfin, il faut intégrer dans ce nouveau contrat de travail – à compléter par une révision du Règlement intérieur ou accord d’entreprise – des mesures propres à définir notamment :
– la notion d’accident du travail et accident de trajet pour ces travailleurs à domicile,

– le rôle et les moyens des représentants du personnel coupés du contact avec les salariés,

– leur droit aux tickets restaurants, parfois contesté,

– leur formation pour la maitrise de l’informatique et la Visio-conférence

VASTE PROGRAMME !

Chronique publiée dans la Revue Question de Management

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Contentieux UBER: requalification en CDI de travailleurs de Plateformes

Une seconde décision  du 4 mars 2020 de la Cour de cassation à propos des travailleurs des plateformes, faisant suite à  l’arrêt Take Eat Easy du 28 novembre 2018.

Contexte : Uber BV utilise une plate-forme numérique et une application mettant en relation avec des clients, en vue d’un transport urbain, des chauffeurs VTC exerçant leur activité sous un statut d’indépendant. Un chauffeur, après la clôture définitive de son compte par Uber BV, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail.

La cour d’appel a jugé que le contrat de partenariat signé par le chauffeur et la société Uber BV s’analysait en un contrat de travail et a renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes afin qu’il statue au fond sur les demandes du chauffeur au titre de rappel d’indemnités, de rappel de salaires, de dommages-intérêts pour non respect des durées maximales de travail, de travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappel de la jurisprudence établie:  l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont données à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle ; ainsi, dans l’arrêt Take Eat Easy de novembre 2018, la Cour de cassation a retenu que les dispositions de l’article L. 8221-6 du code du travail selon lesquelles les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail, n’établissent qu’une présomption simple qui peut être renversée lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

Position de la Cour de Cassation : Le même raisonnement est retenu dans l’arrêt 4 mars 2020 qui estime par ailleurs :

*qu’il n’était pas possible de s’écarter de cette définition désormais traditionnelle et a refusé d’adopter le critère de la dépendance économique suggéré par certains auteurs.

*que la cour d’appel a valablement requalifié la relation de travail d’un chauffeur de VTC avec la société Uber BV en contrat de travail en rappelant que le critère du lien de subordination se décompose en trois éléments :  le pouvoir de donner des instructions,  le pouvoir d’en contrôler l’exécution,  le pouvoir de sanctionner le non-respect des instructions données. Le travail indépendant quant à lui, se caractérise par la possibilité de se constituer une clientèle propre, la liberté de fixer ses tarifs, la liberté de fixer les conditions d’exécution de la prestation de service.

La cour de cassation retient que le chauffeur :

*a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n’existe que grâce à cette plate-forme, à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport ;

*se voit imposer un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne suit pas cet itinéraire ;

*la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement la course qui lui convient ou non ;

* la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques ».

En conséquence, elle approuve la cour d’appel d’avoir déduit de l’ensemble de ces éléments l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et d’avoir jugé que, dès lors, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif.

Pour en savoir plus :https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_44525.html

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Requalification en contrat de travail des faux indépendants : les risques à éviter…

De récentes décisions (Uber, Take eat easy) ont requalifié la relation entre un travailleur et la plateforme collaborative le mettant en contact avec des clients en relation de travail, sur la base de l’existence d’un lien de subordination.

Ce sujet ne concerne pas exclusivement les entreprises dites numériques car sont en jeu les éléments caractéristiques du contrat de travail à savoir l’exercice d’un travail en contrepartie d’une rémunération dans le cadre d’un lien de subordination juridique. Selon la cour de cassation, le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Dans le cas Take Eat Easy, les éléments de l’affaire mettaient en cause un système de bonus (pour tenir compte du temps d’attente et de la vitesse du coursier) et un système de sanctions prises en cas de manquements (non prise d’un service, départ prématuré d’un service, absence de réponse au téléphone pendant le service, refus de faire une livraison, incapacité à réparer une crevaison…), ou de mesures graduées en fonction des conséquences attachées pouvant aller jusqu’à la convocation du coursier pour discuter de sa motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire, voire à sa déconnexion de la plateforme. Par ailleurs était mis en œuvre un système de contrôle du travail (géolocalisation, suivi en temps réel…)qui a abouti à retenir la requalification.

C’est donc la réalité de la relation établie par certaines plateformes avec les travailleurs de plateforme qui détermine la nature de la relation. Cette analyse n’est pas nouvelle car par exemple des chauffeurs de taxi avaient obtenu la requalification en relation de travail sur la base des mêmes principes.

En conséquence, dirigeants et DRH doivent être vigilants sur l’écosystème de leur entreprise qui pourrait révéler des situations susceptibles de poser problème. Dans un contexte d’encouragement législatif avec la création du statut d’auto-entrepreneur, les entreprises ont recours à un nombre de plus en plus important de free lances, remplaçant les sociétés prestataires de services externes dans différents domaines. Il est donc nécessaire d’analyser de manière approfondie les risques encourus au travers de divers exemples issus du contentieux :

  • emploi d’un indépendant dans un abattoir, précédemment salarié et ayant été repris en qualité d’indépendant dans les mêmes conditions qu’auparavant, en pointant ses horaires.
  • contrat de prestation de secrétariat par un auto-entrepreneur ayant pris la suite  d’un cabinet comptable extérieur, avec un client unique, facturant des montants identiques à des échéances régulières, et ayant son bureau dans l’entreprise.
  • contrat de prestation de services de formateur auto-entrepreneur délivrant des prestations de soutien scolaire et des cours collectifs, occupant ainsi un poste d’enseignant permanent.
  • contrat de prestation de services avec un auto-entrepreneur exerçant des fonctions de commercial pour la prospection de la clientèle au bénéfice de la société donneuse d’ordre.

Les risques sont importants tant au niveau civil que pénal ou vis-à-vis de l’Urssaf :

  • conséquences prud’homales liées à une telle requalification:rappels de salaire, préavis, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour travail dissimulé, heures supplémentaires, application du statut conventionnel…
  • peine d’amende (jusqu’à 100 000 euros ou x 5 pour les personnes morales), peine d’emprisonnement (jusqu’à 10 ans si l’infraction est commise en bande organisée), des peines complémentaires (confiscation, interdiction de sous-traiter, affichage et publication du jugement)
  • via des redressements des cotisations et des majorations spécifiques s’ajoutant aux majorations de retard de droit commun

En outre, l’entreprise est tenue d’une obligation de vigilance envers ses sous-traitants dont il faut vérifier la situation sociale et fiscale à la conclusion du contrat (et tous les 6 mois). A défaut, l’entreprise donneuse d’ordre risque d’être tenue solidaire des dettes fiscale et sociale de l’indépendant, même si celui-ci ne conteste pas sa qualité d’indépendant.

Les contentieux Uber et Take Eat Easy sont donc l’occasion de rappeler les règles applicables au-delà des seules situations des plates-formes de mise en relation avec des clients.

Pour en savoir plus :

https://www.actuel-rh.fr/content/la-requalification-en-contrat-de-travail-des-faux-independants-ca-narrive-pas-quaux

 

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Qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique: première décision de la Cour de Cassation

Par un arrêt rendu le 28 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation statue pour la première fois sur la qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique.

Selon l’article L.111-7 I du code de la consommation, est qualifiée d’opérateur de plate-forme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public reposant sur (…) la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.

En l’espèce, la société Take eat easy agissait via une plate-forme numérique mettant en relation des restaurateurs, des clients commandant des repas et des livreurs à vélo les transportant sous un statut d’auto-entrepreneur.

Saisi par un coursier d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, le conseil de prud’hommes et la cour d’appel se sont déclarés incompétents au profit du Tribunal de Commerce. La société ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, le liquidateur avait refusé d’inscrire au passif de la liquidation les demandes du coursier en paiement des courses effectuées.

La Cour de cassation avait à statuer sur la question de l’existence d’un lien de subordination unissant un livreur à la plate-forme numérique.

La loi du 8 août 2016 a intégré une responsabilité sociétale des plateformes numériques en insérant les articles L.7341-1 à L.7341-6 dans le code du travail prévoyant des garanties minimales pour protéger cette nouvelle catégorie des travailleurs, sans pour autant se prononcer sur leur statut juridique et édicter une présomption de non-salariat.

Selon la jurisprudence de la chambre sociale, la caractérisation d’une relation de travail salarié repose sur des éléments objectifs :

*est salarié, celui qui accomplit un travail sous un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

*la seule volonté des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut social qui découle nécessairement des conditions d’accomplissement de son travail

*l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle

En l’espèce, la cour d’appel avait rejeté la demande de requalification du contrat en retenant que le coursier n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler.

Ce raisonnement est censuré au motif qu’il avait été relevé que :

*l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, de sorte que le rôle de la plate-forme ne se limitait pas à la mise en relation du restaurateur, du client et du coursier

*la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier ; il en résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation du livreur caractérisant un lien de subordination

*en conséquence, les juges du fond ne pouvaient écarter la qualification de contrat de travail.

Pour en savoir plus :

Note explicative relative à l’arrêt n°1737 de la Chambre sociale du 28 novembre 2018 (17-20.079)

 

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Requalification du bénévolat en contrat de travail

Si les missions et les heures d’exécution d’un responsable d’accueil sont déterminés unilatéralement par l’association et que celui-ci est rémunéré en nature, la relation de bénévolat doit être requalifiée en salariat.

Contexte : Un membre d’une association gérant un aéroclub a conclu avec elle une convention par laquelle il assure bénévolement l’accueil du club. La convention fixait  les horaires et jours de permanence, ses périodes de disponibilité  la durée de ses congés et listait les tâches à accomplir. En contrepartie, un logement lui est attribué gratuitement. L’intéressé,considérant que cette convention constituait un contrat de travail, a saisi le conseil de prud’hommes .

Contentieux : En appel, la cour a rejeté la demande en confirmant la situation de bénévolat après avoir relevé que:

*les horaires de travail, qui peuvent apparaître comme stricts dans la convention, sont moins contraignants dans les faits

*l’intéressé peut prendre l’initiative de déterminer ses congés et ses jours de repos,

*les contraintes imposées sont liées à la nécessité d’assurer la continuité de la permanence aérienne.

La Cour de cassation casse l’arrêt en considérant qu’ il y a lien de subordination caractérisant un contrat de travail en retenant que:

*les missions confiées au responsable d’accueil et leurs horaires d’exécution sont fixés unilatéralement par l’association,

*la convention organise les jours de repos et la durée des congés

*l’intéressé ne peut s’absenter de son poste sans y avoir été autorisé

*il bénéficie d’une rémunération en nature.

Pour en savoir plus : Cass. soc. 20-12-2017 n° 16-20.646

https://www.efl.fr/actualites/associations/collaborateurs/details.html?ref=UI-350cbff0-c33b-484e-b6eb-9ac2f7899d40&eflNetwave

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