Rappel : la loi (2013-1117) du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a inséré dans le code du travail l’article L. 1132-3-3 selon lequel aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour “avoir relaté ou témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”, une telle mesure étant sanctionnée par la nullité du licenciement, en application de l’article L. 1132-4 du même code.
Eléments de situation de l’arrêt du 30 juin 2016 :
*Un salarié, directeur administratif et financier d’une association ayant pour mission de gérer un centre d’examen de santé, (partie intégrante du dispositif de santé publique en Guadeloupe), a été licencié en 2011 pour faute lourde, pour avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics.
*La cour d’appel a estimé le licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié – dont la bonne foi n’était pas mise en cause – n’avait commis aucune faute en révélant de tels faits aux autorités judiciaires, mais n’a pas prononcé son annulation en considérant qu’en l’absence de texte la prévoyant, les articles L.1132-3-3 et L.1132-4 du code du travail, issus de la loi du 6 décembre 2013, n’étaient pas applicables au moment de la dénonciation des faits ayant donné lieu au licenciement.
Décision de la Cour de Cassation
La Chambre sociale considérant que les sanctions prises à l’encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d’un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation à leur droit d’expression au sens de l’article 10-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme, a cassé la décision d’appel en affirmant “en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité”.
Une telle position vise à protéger les lanceurs d’alerte, car elle instaure une immunité non seulement lorsque les faits illicites sont portés à la connaissance du procureur de la République mais également, de façon plus générale, dès lors qu’ils sont dénoncés à des tiers.
Pour en savoir plus: consulter la note explicative de la Cour de Cassation et le texte de l’arrêt, cf liens ci dessus