Le Défenseur des Droits a publié le 15 octobre 2019 une décision-cadre relative aux restrictions liées à l’apparence physique des salariés en matière de style vestimentaire, barbe, coiffure, tatouages… Cette décision reprenant les droits et devoirs des entreprises en matière de non-discrimination, a été remis aux ministres du travail, de l’action et des comptes publics, de la santé et des armées, ainsi qu’aux diverses organisations régionales, patronales et syndicales.
Le document comporte 5 annexes concernant : poids, tenue vestimentaire, barbe, coiffure, tatouages et piercings qui incitent les employeurs à revoir leurs pratiques à la lumière de la non-discrimination.
–des codes vestimentaires peuvent être imposés, s’ils sont en adéquation avec les exigences liées à la sécurité ou l’hygiène précisément justifiées. Exemples :
*une tenue de travail liée à l’utilisation de produits ou outils dangereux, contact avec les aliments, *une coiffure particulière : cheveux attachés pour raisons de sécurité, filet à cheveux…
* l’absence de pilosité faciale si elle est incompatible avec le port d’un masque de sécurité.
Les autres restrictions sont difficiles à justifier : les codes vestimentaires répondant à des considérations d’image ne sont a priori pas justifiés pour des métiers sans aucun contact avec la clientèle. Idem pour des postes en contact avec le public, la restriction doit être proportionnée. Exemples : *un règlement intérieur interdisant aux ambulanciers de porter jean/baskets et obligeant à porter une cravate a ainsi été jugé disproportionné par la Cour de cassation. * Une cour d’appel (2008) a considéré qu’on ne pouvait reprocher à une cadre de s’être présentée chez un client en jeans et bottes, alors qu’une telle tenue n’est, en elle-même, de nos jours et dans un tel contexte, en rien incongrue ni déplacée.
–La barbe est également un symbole de l’évolution des codes dans les entreprises = 78 % des hommes de moins de 35 ans porteraient la barbe, selon un sondage Opinionway réalisé en 2018. Exemple : la barbe interdite depuis 1974 dans la police ‘a été autorisée en 2015, suite à négociation avec les syndicats.
Exiger des salariés qu’ils se rasent la barbe, sauf motif particulier lié à la sécurité, est abusif mais l’entreprise peut valablement exiger que la barbe s’intègre à une apparence soignée. Exemple : Rejet en 2019 par le Défenseur des droits de la réclamation d’un candidat à un poste d’animateur de vente en téléphonie mobile en contact avec la clientèle. L’entreprise exigeait qu’il taille sa barbe « imposante et non-taillée » au regard de l’image de marque de la société
-Même approche pour la coiffure, sachant qu’actuellement seules les sanctions visant les salariés porteurs de coiffures excentriques ont été admises par les juges. Exemples : *un employé de banque ayant la tête rasée sur les côtés et surmontée d’une crête jaune centrale gominée, sommé d’adopter une coiffure plus discrète ; * idem pour un informaticien portant une coupe à l’iroquoise.
A noter que l’évolution de la société restreint le pouvoir de l’employeur : le port de cheveux longs par les hommes est dans les codes esthétiques actuels et les juges prennent en compte ces évolutions. Exemple: jugé qu’un attaché commercial ne peut se voir refuser une promotion du fait qu’il refuse de couper sa queue de cheval.
A souligner que sur les différences de traitement entre hommes et femmes concernant le port de cheveux longs (ex : police nationale, compagnies aériennes) ou de boucles d’oreilles n’ont pas encore été reconnus comme discriminatoires en raison du sexe.
–les tatouages discrets et non choquants devraient être tolérés dans le cadre professionnel pour des postes en contact avec la clientèle ; a fortiori, les postes dénués de contact avec le public ne devraient pas se voir imposer de restriction. Pour les piercings, les juges reconnaissent régulièrement comme abusifs les licenciements fondés sur le refus d’ôter ce type de bijoux : l’employeur peut cependant justifier son interdiction, en raison des exigences du poste
A retenir :
*pour formuler des restrictions liées à l’apparence de ses salariés, seules des exigences écrites et motivées par des considérations précises et justifiées sont valables.
*recommandation aux entreprises de former leur personnel aux droits et libertés des salariés, tout en associant les partenaires sociaux à la mise en oeuvre effective de l’ensemble des mesures.
*la décision-cadre du Défenseur des droits s’inscrit dans une démarche de sensibilisation des acteurs de l’emploi à la discrimination en entreprise : cf guide publié en juin 2019 « Pour un recrutement sans discrimination ».
Pour en savoir plus :
- Décision du Défenseur des droits, 15 octobre 2019
- https://www.actuel-rh.fr/content/apparence-physique-au-travail-les-employeurs-doivent-lacher-du-lest