Pascal Pavageau est élu national depuis 2009 en charge des sujets économiques, fiscaux, services publics, numériques, candidat au poste de secrétaire général de FO lors du prochain Congrès de Lille en avril 2018 en remplacement de Jean Claude Mailly. En synthèse, les points majeurs de son intervention lors de la conférence Dialogues du 8 11 17.
*A propos de la suite des ordonnances et de la démarche de mobilisation : FO estime de manière générale les textes déséquilibrés avec peu de positif pour les salariés. A noter que de nombreux points ont été retirés ou amendés, ceci n’étant pas visibles pour les salariés et les commentateurs. Dans ce contexte, FO appelle une mobilisation contre les ordonnances avant leur ratification qui doit intervenir le 21 novembre 2017 ; une unité d’action a été recherchée avec les autres organisations syndicales. Une première réunion n’a pas abouti à un accord, la seconde a retenu le principe d’une journée commune de mobilisation le 16 novembre regroupant CGT, FSU, Solidaire, et 3 organisations de jeunesse
*A propos de l’ouverture d’une nouvelle série de dossiers importants.
–Formation professionnelle : le principe d’une négociation interprofessionnelle a été acceptée au-delà d’une simple concertation. La feuille de route du gouvernement n’est pas encore à ce jour connue ; elle devrait être présentée la semaine prochaine. Les principales inquiétudes portent sur : d’une part, l’individualisation du droit à la formation avec la question de la monétisation des droits et la suppression de la médiation des interlocuteurs sociaux ; d’autre part, les risques pesant sur la formation des demandeurs d’emploi, les régions étant très actives pour obtenir en plus de leur formation, leur placement. FO ne souhaite pas le transfert de la formation des demandeurs d’emploi aux régions pas plus que la régionalisation de Pôle emploi.
Un toilettage est certainement à opérer sur le nombre des organismes de formation bien que ce sujet ne soit pas en principe inclus dans la négociation.
-Apprentissage : une concertation préalable est prévue avec de grandes interrogations sur l’atterrissage possible avec un sujet difficile sur le plan politique de la répartition région/gouvernement.
Il est utile de revoir le statut des apprentis tant en ce qui concerne leurs droits que leur rémunération. FO se place plutôt sur une application locale d’un cadre national que sur une logique de décentralisation.
-Assurance-chômage : le principe d’une concertation est arrêté sans écarter totalement l’hypothèse d’une négociation. A noter un grand delta entre le programme présidentiel annoncé et les orientations actuelles en raison du principe de réalité face à une indemnisation élargie et les possibilités de financement. Le débat est ouvert entre un régime de l’impôt (Etat) et un régime assurantiel (contribution des bénéficiaires).
-Retraites : le dossier est en attente des prochaines consultations avec Jean-Paul Delevoye, nommé Haut- Commissaire aux retraites. Dans le débat, la question d’un régime par points et le recul de l’âge légal de 62 à 63 ans. Beaucoup de flou encore à l’heure actuelle.
*A propos des divergences syndicales : Il est de fait que des stratégies différentes existent comme elles existaient auparavant. 3 réunions ont eu lieu entre les dirigeants des syndicats entre juillet et septembre qui ont abouti à un document de synthèse sous forme de « 15 lignes rouges » à ne pas franchir. Cette démarche a pesé dans les discussions mais n’a pas permis de porter ensemble des revendications communes.
Cette situation est une conséquence de la loi de 2008 sur la représentativité qui place les organisations syndicales en concurrence, ce qui nécessairement provoque une incapacité à se réunir sur des positions communes. Après la présentation des ordonnances le 31 août, il était difficile de s’aligner d’autant que certains avaient déjà engagé à la mobilisation. C’est le jeu des tactiques syndicales. A titre d’exemple, ce qui a pu être une déception pour la CFDT qui souhaitait voir retenir plus de choses au niveau de l’entreprise était l’inverse pour FO, très satisfaite du rôle maintenu au niveau de la branche. D’où la difficulté à retenir des modalités communes en raison des analyses divergentes, voire opposantes…
*Questions / Réponses
-Fusion IRP : FO a clairement exprimé son opposition à une telle fusion car le CSE entraine une perte de spécificité notamment au regard des missions du CHSCT. La polyvalence entrainera une baisse de l’expertise. Par ailleurs, les moyens accordés au CSE sont une vraie difficulté avec une baisse du nombre de représentants et d’un nombre d’heures de délégation ; ceci entrainera une moindre compétence des acteurs qui par ailleurs auront des besoins renforcés en formation. Il y aura également un impact au niveau de l’interprofessionnel (Fédération, Union locale) en raison du peu d’heures disponibles pour les délégués afin de faire vivre l’interprofessionnel. Le risque est que les représentants syndicaux deviennent de simples délégués du personnel au niveau de l’entreprise.
-OS et petites entreprises : la possibilité pour les petites entreprises de négocier sans organisations syndicales pose question pour l’avenir du syndicalisme. C’est un premier pan qui pourrait en amener d’autres…
-CPH : 2 dispositions ne sont pas satisfaisantes pour FO : d’une part barémisation des indemnités pour licenciement abusif et d’autre part le périmètre d’appréciation du motif économique de licenciement, désormais limité au territoire national. Le risque est grand d’ouvrir une logique de dumping et de stratégie de fermetures organisées.
-Rôle de la branche : FO est toujours sur la ligne de la hiérarchie des normes et du principe de faveur. La branche a un rôle anti-dumping et constitue donc un élément de régulation. Le secteur des transports illustre parfaitement cette logique d’un certain protectionnisme. Sur la fusion des branches, FO est favorable à leur réduction sans pour autant conduire nécessairement à une mutualisation des conventions collectives ; il doit être possible de conserver certaines spécificités. Le gouvernement aura à procéder à des arbitrages par rapport aux impacts de la représentativité dans les branches.
-Participation des salariés aux instances de décision : FO n’est pas favorable au processus de codécision ; les possibilités de recours à l’expertise des IRP apparaissent suffisantes. Il est préférable de rester sur le champ syndical, ce qui n’interdit pas aux délégués de faire des propositions sur des sujets stratégiques quand ils l’estiment utile : la position de cogérance ne doit pas être le principe. FO ne souhaite pas un comité à la mode allemande et préfère une couverture à 93 % des salariés et agents publics sous conventions collectives ou statuts, résultat d’un modèle français reposant principalement sur la hiérarchie des normes. A noter que le système allemand a été imposé à l’industrie pour des raisons historiques après 2 guerres mondiales pour éviter les choix stratégiques opérés par les grandes entreprises. Il est donc nécessaire de contextualiser les situations : la France fonctionne sur la base d’une constitution républicaine avec le principe d’égalité de droit. Par ailleurs, les organisations syndicales françaises disposent de la faculté de s’exprimer sur des choix stratégiques au sein de diverses instances : filières industrielles, BPI, par exemple.
-Droit de veto sur Egalité professionnelle et Formation Professionnelle en cas de mise en place d’un Conseil d’entreprise avec pouvoir de négociation : FO n’est pas demandeur d’un droit de veto qui s’inscrit dans une logique de codécision. Néanmoins, selon le contexte, cette faculté pourrait être utilisée.
-Quid de la mobilisation pour le 16 novembre ? La mobilisation est un moyen d’action parmi d’autres : celle du 16 novembre vise à se faire entendre avant la ratification officielle des ordonnances le 21 novembre mais également à peser sur les décrets à intervenir d’ici la fin de l’année sur de nombreux sujets d’application des textes. Le regroupement de plusieurs organisations est un élément positif : CGT, FSU, Solidaire, FO et 3 organisations de jeunesse d’autant que les thèmes ne sont pas limités aux ordonnances mais également sur des sujets propres à la fonction publique et aux jeunes. L’unité d’action a été proposée par FO aux autres syndicats qui n’ont pas suivi. La position de la CGC est à cet égard ambivalente car elle considère la mobilisation utile mais ne souhaite s’y associer qu’à l’appel de toutes les organisations …
-Quid de l’avenir des syndicats ? Des menaces planent sur les syndicats qui doivent se défendre en se développant. Les attaques sur le paritarisme, la logique de réduction de la négociation interprofessionnelle et de branche, la baisse des moyens de l’action syndicale, la diminution du financement via la formation signifieraient-elles que les syndicats ne sont plus utiles et qu’il n’est plus nécessaire de défendre les besoins collectifs ? La première défense est le développement sur le terrain avec l’appui du niveau interprofessionnel tant sur le plan de l’expertise technique que sur celui de l’expérience et de la pratique. A noter que l’évolution de la démographie des acteurs syndicaux fait peser des réels dangers sur l’avenir du syndicalisme qui doit prendre impérativement en compte ces enjeux majeurs.