Le contentieux pour harcèlement moral organisationnel ouvert à l’encontre de France Télécom et de ses anciens dirigeants en lien avec une trentaine de suicides 2007 et 2009, a débuté le 6 mai devant le tribunal correctionnel de Paris. En raison de son ampleur, ses conséquences et de son impact médiatique, cette affaire a produit une forte prise de conscience au sein du monde du travail notamment lorsqu’il s’agit d’une démarche organisée au niveau de l’entreprise dans un contexte de stratégie de changement.
Face à un travail devenu source de souffrance susceptible d’entrainer des conséquences extrêmement graves, un grand nombre d’entreprises se sont emparées du sujet tant sur le plan de la santé au travail et sur celui de leur image. De nombreux travaux ont par ailleurs permis d’éclairer le sujet et d’impulser des démarches de prévention, facilitant la mesure du risque.
Dans ce contexte, le procès en cours incite à une réflexion sur les modes de management et à revisiter ses pratiques autour de l’exercice du pouvoir et la gestion des régulations, notamment l’occasion des réorganisations, réorientations stratégiques, mutations technologiques …
La question fondamentale est celle du changement, qui pour beaucoup de dirigeants est surtout un sujet de communication; or l’acceptation du changement passe par le vécu des personnes et leurs émotions. Ce qui suppose de prendre le temps de de faire un bilan du travail effectué et des conséquences à ne pas changer et les améliorations envisageables. Transformer radicalement et rapidement provoque une négation du passé, d’où l’importance de prévoir des périodes de transition pour faciliter la compréhension du changement et des nouvelles contributions attendues. L’expérience montre qu’en voulant aller vite, on perd du temps en prenant des risques importants.
Tout ceci ne se résume pas à un sujet de réglementation ; les usages et la pratiques sur le terrain doivent évoluer au travers de la culture d’entreprise et du management. Il s’agit du fonctionnement organisationnel et relationnel dans les entreprises. Si, au cours des dernières années, a été mise en avant la volonté de sécurisation juridique pour mettre en place des dispositifs de prévention, l’enjeu pour l’avenir est tout autre: la nécessité pour les organisations d’attirer et fidéliser les personnes, impliquant de proposer un cadre où les personnes se sentent bien dans le collectif de travail associant reconnaissance, relations fluides avec le management, coopération… Pour ce faire, des marges de manœuvre doivent être laissées aux entreprises dans le choix des moyens à mettre en œuvre. Il est indispensable que l’engagement vienne du plus haut de la hiérarchie, avec une prise de parole claire sur ce qui n’est pas acceptable et que des sondages QVT ou climat social donnent périodiquement la perception des salariés sur ces domaines.
Dans ce contexte, la réflexion sur le management doit être générale ; critères de choix des managers, disponibilité, prise en compte des nouvelles attentes des salariés, impact du numérique, nécessité de passer d’un système de contrôle à un management collaboratif et relationnel. Le DRH est dans ce cadre garant de l’équilibre entre l’attention portée à l’individu et aux collectifs mais aussi à l’entreprise et ses impératifs. Cet équilibre est à rechercher via des diagnostics partagés, avec les élus, les managers et les service de santé au travail pour élaborer des plans de prévention ou programmes de QVT répondant aux situations à traiter ; ce qui doit intégrer une politique de reconnaissance permettant au salarié de mieux cerner ce qu’est la valeur de sa contribution dans l’entreprise. Cela suppose aussi de revoir la temporalité de l’entreprise en trouvant les moyens de réintroduire du temps long…
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