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Avis au Parlement de la Défenseure des droits sur pass sanitaire, 20 juillet 2021

Tout en reconnaissant l’importance de la vaccination dans la lutte contre la pandémie, la Défenseure des droits s’interroge tant sur la méthode que sur la proportionnalité de la plupart des dispositions et restrictions présentes dans le texte proposé par le gouvernement

  1. Nécessité d’un débat démocratique : la défenseure des droits renouvelle sa demande d’un débat démocratique et regrette le choix d’une procédure accélérée compte-tenu de l’ampleur des atteintes aux droits et libertés fondamentales prévues par ce projet de loi ainsi que du caractère inédit de certaines dispositions qu’il comporte.
  2. Zones d’ombre du texte susceptibles de nombreuses interprétations de nature à restreindre les droits et libertés au-delà de ce que prévoit le projet de loi. De nombreux points sont renvoyés au pouvoir réglementaire ou font l’objet de différences de traitement difficilement compréhensibles au regard de l’objectif poursuivi : l’espace public sera découpé en lieux accessibles et non accessibles, des personnes privées étant chargées de contrôler la situation sanitaire des individus, et donc leur identité, remettant en cause des principes de liberté de circulation et d’anonymat pourtant longtemps considérés comme constitutifs du pacte républicain.
  3. Restrictions d’accès aux transports publics et aux biens et services: diverses mesures visent à réserver l’accès à certains transports publics et à un nombre important de biens et de services de la vie quotidienne aux personnes en mesure de prouver qu’elles ont été vaccinées ou qu’elles ne sont pas affectées par la Covid-19 ou pouvant produire un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19. Celles-ci sont de nature à porter atteinte à la liberté d’aller et venir et à entraver la vie quotidienne de nombreuses personnes; le caractère discriminatoire de ces mesures ne peut être écarté.
  4. Mise en œuvre des restrictions d’accès : le contrôle d’une partie de la population par une autre: ce contrôle devrait relever des autorités publiques, compte-tenu des risques inhérents à l’exercice d’un tel pouvoir.
  5. Risques de discriminations dans l’emploi: pour rappel, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008. Les risques discriminatoires restent présents dans le domaine de l’emploi dans lequel les mesures prévues par le projet de loi ont pour conséquence d’opérer in fine une distinction entre les travailleurs détenteurs de l’un des trois documents demandés et les autres.  
  6. Risques considérables d’atteinte aux droits de l’enfant : la situation spécifique des mineurs n’est pas prise en compte. Le texte prévoit, faute de « passe sanitaire », des restrictions pour l’exercice de droits essentiels pour la jeunesse. L’accès aux loisirs et à la culture est un droit proclamé par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant[1]. Il ne s’agit pas d’un droit accessoire mais bel et bien d’un droit fondamental pour le bon développement de l’enfant. Le respect, par les nouvelles dispositions, des exigences constitutionnelles de proportionnalité et de nécessité des nouvelles mesures envisagées ne peut s’apprécier qu’en considération, notamment, de l’âge des personnes auxquelles la loi s’applique.

La Défenseure des droits est favorable à ce que, pour les mineurs de 12 à 18 ans, la vaccination reste uniquement encouragée et ne tombe pas sous le coup d’une obligation déguisée. Elle considère en outre que, pour les mineurs de moins de 12 ans, le projet de loi devrait indiquer de manière expresse qu’ils sont exemptés de la vaccination.

7.Personnes en situation de pauvreté pourraient être doublement victimes : les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d’être à la fois plus dures pour les publics précaires et d’engendrer ou accroître de nouvelles inégalités. La Défenseure des droits s’interroge sur les moyens supplémentaires qui seront mis en place pour toucher les personnes en situation de pauvreté.

8.Mesures d’isolement étendues : l’article 4 prévoit que le résultat d’un test de dépistage virologique ou de « tout examen médical probant » concluant à une contamination par la Covid-19 emporte, de plein droit, la mesure de placement et de maintien en isolement pour 10 jours dans le lieu d’hébergement déclaré lors de l’examen. Les sorties sont autorisées de 10 heures à midi. Le juge des libertés et de la détention peut être saisi. La notion de « (…) tout examen médical probant concluant à une contamination par la Covid-19 » demeure insuffisamment précise au regard de la privation de liberté qu’il peut entraîner. Il est à craindre que ces dispositions combinées à la possibilité de rendre payant les tests, aient pour effet de désinciter à se faire tester et ne freine la politique de dépistage massif, favorisant ainsi la circulation du virus.

9.Risques liés au traitement des données : le texte prévoit d’ajouter une sixième finalité au traitement de données de santé, à savoir l’édiction, le suivi et le contrôle du respect des mesures individuelles de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement. La Défenseure des droits alerte sur le risque de glissement vers des pratiques de surveillance sociale générale, auquel pourrait contribuer ce projet de loi.

10. Vaccination obligatoire pour certaines professions: l’article 5 du projet de loi porte sur la vaccination contre le Sars-CoV-2 qui devient obligatoire, dès le lendemain de la publication du texte de loi, pour certaines catégories de personnes, eu égard à leur profession. Seuls les professionnels liés à la santé sont, à ce stade, soumis à cette obligation, comme ils le sont déjà pour un certain nombre d’autres vaccins. Demeure la question du caractère proportionné de la mesure, au regard du principe de non-discrimination en matière d’emploi.

La Défenseure des droits insiste sur la nécessité d’une réévaluation régulière du dispositif au regard de la situation sanitaire afin que les restrictions ne durent que le temps strictement nécessaire à la gestion de la crise, et que des mesures adoptées dans l’urgence ne se pérennisent pas. La Défenseure des droits indique en outre qu’elle a d’ores et déjà été saisie de nombreuses réclamations depuis l’annonce de l’instauration du « passe sanitaire », qui toutes illustrent que la précipitation et la difficile lisibilité de certaines dispositions sont susceptibles d’entraver l’exercice de droits et libertés de manière non proportionnée à l’objectif poursuivi.



Pour en savoir plus : Consulter l’avis 21-11 du 20 juillet 2021 relatif au projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire

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Projet de loi Travail n°2: accord trouvé sur le projet en Commission mixte paritaire le 31 juillet . Un calendrier à suivre…

Sénateurs et députés se sont mis d’accord dans le cadre d’une commission mixte paritaire pour autoriser le Gouvernement à réformer le code du travail par ordonnances. Pour mémoire, rappel des différentes étapes de ce texte.

*Le projet de loi « travail » ,qui est une habilitation du Parlement faite au Gouvernement de réformer le code du travail par la voie d’ordonnances ,a été déposé au Parlement le 29 juin 2017.

*La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté  le projet de texte le 6 juillet; un examen pour avis de la commission des finances ( validation du report d’un an du prélèvement à la source) a été rendu le 7 juillet.

*Une séance publique à l’Assemblée nationale est intervenue pour une adoption en première lecture le 13 juillet.

*Même procédure au Sénat :  examen en commission des affaires sociales et en commission des finances puis adoption du projet de loi légèrement remanié le 27 juillet.

*Le 31 juillet la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’habilitation a été conclusive: un accord a été trouvé afin de permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnances sur les questions relatives au droit du travail dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Et la suite…

*Un recours pourrait être déposé devant le Conseil Constitutionnel par 60 députés ou 60 sénateurs (article 60 alinéa 2 de la Constitution sans que cela retarde la promulgation de la loi selon la ministre du travail.

*Le calendrier prévisionnel a été présenté lors de l’audition de la Ministre du travail du 31 juillet devant la représentation nationale:

 -projet d’ordonnances soumis au Conseil d’Etat à la fin du mois d’août.

-discussions et consultations des comités, commissions et organisations avec les partenaires sociaux entre le 5 et le 15 septembre.

-présentation des ordonnances en Conseil des ministres la semaine du 20 septembre

-publication dans  la semaine du 25 septembre, date à laquelle le contenu de la nouvelle loi travail sera rendu public.

*présentation au Parlement par le Gouvernement d’un projet de loi de ratification des ordonnances;  si elles sont ratifiées, elles auront force de loi , à l’inverse  elles deviendraient caduques.

A noter qu’à  l’heure actuelle, le contenu de la nouvelle loi travail n’est toujours pas connu et ne sera rendu public qu’à la fin de l’été.  Cependant son cadre a été présenté en 6 points : * Négociation collective *Réorganisation du dialogue social * Conditions et effets des licenciements et rupture du contrat de travail *  Hiérarchie des normes en matière sociale * Pénibilité au travail et le détachement des travailleurs *Report d’un an du prélèvement à la source

Un échéancier à suivre..

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Projet de loi d’habilitation pour les Ordonnances Macron: 10 axes essentiels

La loi d’habilitation pour réformer le droit du travail par ordonnances sera présentée le 28 juin autour de 10 axes : 

1-Plus de place pour la négociation d’entreprise: domaines réservés à la branche,  restructuration des branches, encadrement des consultations et négociations obligatoires, conditions du référendum…

2- Sécurisation des contentieux : barème des dommages et intérêts accordées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (planchers et plafonds obligatoires) en fonction de l’ancienneté mais avec exclusion des situations de discrimination ou de faits de harcèlement; réduction des délais de recours contentieux en cas de rupture du contrat de travail; révision des obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude et  modalités de contestation des avis d’inaptitude.; conditions et conséquences de prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat ….

3-Fusion des IRP en  une seule instance DP, CE et CHSCT :  attributions, délais  d’information-consultation,  moyens, nombre maximal des mandats électifs, nombre de représentants, heures délégation, modalités de recours à une expertise, statut des représentants du personnel…

4-Assouplissement des contrats précaires  et autres formes de travail: rôle de l’accord collectif de branche pour CCD et Intérim : motifs de recours, durée et succession. Sécurisation du recours au travail de nuit, prêt de main-d’œuvre à but non lucratif , encouragement au télétravail et à distance…

5-CDI de projet étendu à de nouveaux secteurs: élargissement du recours aux CDI de projet, conclus « pour la durée d’un chantier » par accord de branche ou, à défaut, à titre expérimental…

6-Licenciement pour  motif économique:  redéfinition du périmètre d’appréciation des difficultés économiques…

7-Seuil de déclenchement du PSE; modification du seuil de déclenchement d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), en fonction de la taille de l’entreprise…

8-Contraintes allégées sur la pénibilité : simplifier les obligations de déclaration des expositions et la mise en œuvre du compte pénibilité…

9-Décalage du prélèvement à la source: report au 1er janvier 2019 de l’entrée en vigueur de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu…

10-Participation des salariés aux conseils d’administration:  représentation et participation des salariés (ou leurs représentants) dans les organes délibérants, notamment  conseils d’administration pour mieux les associer aux décisions de l’employeur…

Pour en savoir plus Projet de loi d’habilitation

http://www.actuel-rh.fr/content/ordonnances-macron-le-projet-de-loi-dhabilitation-en-dix-points

 

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