Dans un arrêt du 1er mars 2023, n° 21-12.068, la Cour de cassation renouvelé son analyse du temps de déplacement d’un salarié itinérant entre son domicile et le premier/dernier client; elle interprète désormais l’article L. 3121-4 du Code du travail à la lumière de la directive n° 2003/88, tirant ainsi les conséquences de deux décisions de la CJUE selon lesquelles les notions de « temps de travail » et de « temps de repos » constituent des notions de droit de l’Union qui doivent dès lors être définies et appliquées conformément à la directive 2003/88, de manière uniforme par l’’ensemble des États membres (CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19 et C-580/19).
Le juge doit donc désormais vérifier les conditions dans lesquelles un salarié itinérant effectue ces déplacements: S’agit-il d’un temps de trajet ouvrant droit, le cas échéant, à une contrepartie en repos ou financière ou d’un temps de travail effectif? Quelles contraintes imposées au salarié au cours de son déplacement sont susceptibles d’entraîner la qualification de temps de travail effectif?
Contexte : Un technicien de maintenance, qui réalisait de petits dépannages en région Normandie, a réclamé un rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires pour ses temps de déplacement domicile-client. Il a été débouté par la cour d’appel en octobre 2020. Selon les juges, le salarié bénéficiait d’une certaine autonomie dans l’organisation de son travail et ne se trouvait pas à la disposition permanente de l’employeur sur le fondement de 3 éléments:
– le planning prévisionnel des opérations, qui était organisé entre le salarié et son responsable trois à quatre semaines à l’avance;
– l’information du salarié par téléphone pour les opérations de maintenance curatives, afin de vérifier sa disponibilité, avant confirmation de la mission par le bon de travail.
– si le salarié pouvait être amené à transporter des pièces détachées chez le client, dans son véhicule de service, cela
était inhérent à la nature de son activité, .
Après avoir rappelé que « lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites
des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du
Code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code », la Cour de cassation a
censuré la décision des juges d’appel pour défaut de base légale.
En effet, selon la Cour de cassation, les indices retenus par la cour d’appel ne permettaient pas d’écarter la qualification de temps de travail effectif, « alors qu’elle avait constaté que le salarié était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et que, pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients »
Pour autant, la Cour de cassation n’affirme pas expressément que les déplacements constituaient du temps de travail effectif. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel qui devra rejuger l’affaire et se prononcer au regard des trois éléments visés :
– un planning des opérations de maintenance établi par l’employeur;
– l’utilisation d’un véhicule de service;
– le fait que le salarié était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients.
Au regard de ces contraintes, la cour de renvoi devra rechercher si, pendant ses déplacements entre son domicile et
le premier/dernier client, le salarié était à la disposition de l’employeur, sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. En cas de réponse positive, le temps de déplacement constituera un temps de travail effectif et donnera lieu au paiement d’heures supplémentaires. Les juges devront en outre faire droit à la demande de l’intéressé d’une indemnité pour travail dissimulé.
Dans le cas contraire, le temps de déplacement constituera un temps de trajet et le salarié sera débouté de ses deux
demandes.
Pour en savoir plus : Cas soc 1er mars 2023 n°21 12 068
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047268945?isSuggest=true
Article Semaine sociale LAMY N° 2039 du 27 mars 2023