Point de vue de Mathilde Fochesato, consultante chez Plein Sens, sur la nécessité d’engager des actions correctrices à la suite d’une enquête sur un cas de harcèlement moral ou sexuel, que le cas soit avéré ou non.
Dans le cadre du traitement de situations pour harcèlement sexuel et moral dans les organisations du travail, le moment clé que représente l’après-enquête est peu traité, les employeurs considérant souvent que l’instruction de l’enquête clôt la procédure.
Dans bien des cas, l’enquête ne révèle pas de faits constitutifs de harcèlement moral/sexuel mais des conditions de travail dégradées, sur lesquelles il convient postérieurement de traiter. Plusieurs propositions peuvent être suggérées pour identifier les dysfonctionnements de l’organisation du travail et renforcer le dispositif de prévention des risques de l’entreprise.
*Si l’enquête conclut à l’existence de harcèlement ou de comportements inappropriés méritant des sanctions, l’employeur doit prendre des mesures de sanction (personne harceleuse) et de protection (victime) ; l’employeur, qui doit décider de la sanction disciplinaire, se retrouve souvent dans une position compliquée, entre volonté d’affirmer une posture de tolérance zéro et inquiétude de sanctionner sévèrement et vite.
Pour la victime avérée, il est utile d’assurer une protection fonctionnelle via un accompagnement pour qu’elle retrouve des conditions de travail normales, des entretiens avec la victime pouvant être organisés par la DRH pour assurer un suivi.
*Quelle que soit l’issue de l’enquête, au-delà de la sanction/protection, il convient d’agir pour restaurer le collectif et des relations professionnelles pour faire travailler ensemble des individus qui ont accusé et ont été accusés ou qui ont pris parti… L’employeur doit veiller à ce que le collectif de travail puisse à nouveau travailler ensemble, autour d’un nouveau pacte collectif : la médiation collective et individuelle peut permettre de rétablir le dialogue via des engagements réciproques.
Après l’enquête, il s’agit de comprendre comment s’est construite la situation en cause, ces conflits trouvant souvent leur origine dans l’organisation du travail et les collectifs de travail. D’où l’utilité d’identifier les déterminants du travail ayant conduit à une situation, avérée ou vécue, de harcèlement ou d’agression sexuelle : exercice de l’autorité inapproprié, management maladroit, sexisme ordinaire, frustrations sur le poste de travail, changements organisationnels mal vécus…
*Agir sur les ressentis autant que sur les faits : Lorsque les faits sont minces, la tendance est à l’éloignement des parties. Or il faut éviter que les salariés vivent mal les sorties d’enquête : incompréhension, humiliation, ressentiment, injustice…Réussir une enquête, c’est révéler des faits et les distinguer des ressentis mais aussi reconnaître ces derniers dont il faut analyser les causes. L’enquête constitue une opportunité de revoir le dispositif de prévention des harcèlements et des agissements sexistes de l’entreprise : formations pour déceler ces situations et y faire face, révision du DUERP, mesure régulière du climat social, dispositif de signalement des cas de harcèlement, missions et accompagnement des référents harcèlement, cellule de veille des risques…
Rappel de mesures à prendre en matière de prévention.
-désigner/former des référents harcèlement, conduites sexistes, attitudes discriminantes ;
-créer et communiquer sur cellule d’écoute ;
–informer sur harcèlement moral/sexuel : affichage dans les locaux, intranet, règlement intérieur;
–sensibiliser salariés et managers : formation en ligne et en présentiel via des mises en situation ;
-développer des outils managériaux et de méthodes managériales prévenant autoritarisme ou sexiste et favoriser l’autonomie et la responsabilité ;
-évaluer les risques de harcèlement et d’agissement sexiste par des baromètres de climat social.
Pour en savoir plus : https://www.actuel-rh.fr/content/lapres-enquete-pour-harcelement-moral-et-sexuel-une-etape-cle-souvent-negligee