Regards croisés de deux experts en matière de RPS sur les risques de la rentrée, Marie Bouny, co-directrice de Stratégie et Performance sociale et Natalène Levieil directrice de projet, Cabinet conseil LHH
*Quel état d’esprit des DRH en cette rentrée ?
MB : les DRH vont devoir à nouveau faire preuve de résilience. La crise sanitaire qui n’est pas terminée entraine inquiétudes et contraintes, sachant toutefois que les emplois sont en grande partie préservés : les licenciements si redoutée n’ont pas eu lieu, les quelques PSE engagés concernant davantage les petites/moyennes structures.
NL: Si les entreprises reprennent la main sur le choix de leur organisation du travail, comme le préconise le protocole sanitaire, la plupart restent démunies : les anciens réflexes réapparaissent, par exemple réticence à accorder le télétravail. Beaucoup d’interrogations légitimes en tant qu’employeur sur la réunion des équipes malgré la fin de la jauge de fréquentation
*Quels risques sociaux à traiter ?
MB : le grand défi vise la reconstruction des collectifs de travail : des conflits idéologiques peuvent apparaître entre salariés vaccinés et non vaccinés alors que l’employeur n’a pas à connaître le statut vaccinal des collaborateurs. Les salariés craignent de revenir dans les mêmes conditions de travail qu’avant crise. Par ailleurs, la pandémie a fait naître des attentes : management moins interventionniste, flexibilité dans l’organisation du travail, réflexion sur temps et cadre de vie. Si ces aspirations ne sont pas prises en compte, il y a risque de désengagement, démotivation et fragilisation des collectifs de travail.
NL : Nombreuses questions des managers : faut-il prévoir une journée de présence obligatoire en entreprise ? Quelle la valeur ajoutée du travail effectué au bureau ? Quel sens/intérêt du retour au bureau ? Quelle organisation du travail dans un format de travail hybride. Quelles activités télé-travaillables ? Pour les fonctions supports, il s’agit souvent d’un traitement au cas par cas qui risque de poser de problèmes à court terme, sachant par ailleurs que le télétravail peut être un atout pour le recrutement. Il y a donc lieu de créer de nouveaux modes de fonctionnement, ce qui demande du temps. Les attentes en matière de reconnaissance et d’augmentation de salaires sont aussi fortes : certains salaries en activité partielle n’ont pas bénéficié d’augmentation de salaire, contrairement à ceux qui ont travaillé à 100%, ce qui créé un sentiment d’iniquité : l’absentéisme qui a augmenté en 2020 pourrait rester à un niveau élevé.
*Le travail à distance devient-il la norme ?
NL : c’est le caspour une partie de la population d’actifs : le télétravail est pour eux essentiel dans l’offre employeur. L vigilance est à maintenir à l’égard du sentiment d’appartenance à une entreprise dans laquelle les situations de travail sont très variées et peuvent donner un sentiment d’iniquité.
MB : le travail à distance ne concerne que 25 % des salariés : les autres travaillent dans les mêmes conditions, en respectant le protocole sanitaire. Ce qui risque de creuser les inégalités entre les télétravailleurs et les autres. Même s’ils ont pu percevoir, dans certains cas, la Prime Macron, le montant n’a pas été élevé et le versement est sans récurrence. Dans ce contexte, certaines entreprises envisagent de mettre en œuvre des diagnostics de climat social.
*Que doivent inclure les accords de télétravail ?
NL: le télétravail implique une analyse systémique pour appréhender l’ensemble des dimensions concernées par cette évolution : organisation, qvt, rapports sociaux…
L’enjeu des accords tient à l’équilibre entre le cadre posé par l’accord permettant de de garantir l’équité et la définition de règles contraignantes qui ne permettent pas aux managers avec leurs équipes de trouver l’organisation adéquate.
MB: les accords sont trop souvent restrictifs ; ils doivent aborder différents sujets : conditions de travail, égalité professionnelle, organisation du travail, autonomie, flexibilité …Des éléments de solidarité sont nécessaires pour ressouder les collectifs.
Le télétravail implique de nouvelles méthodes d’évaluation pour aller vers un management par objectifs : panachage de critères individuels et collectifs pour évaluer la performance des salariés. Ces critères devraient aussi prendre en compte des indicateurs environnementaux.
Pour en savoir plus :https://www.actuel-rh.fr/content/les-drh-vont-devoir-nouveau-faire-preuve-de-resilience-le-marathon-continue
ANI Santé au Travail 9 décembre 2020 : 10 points à retenir
L’accord affirme l’importance de la prévention primaire dans le dispositif de santé au travail. Il cherche aussi à encadrer davantage l’action des services de santé au travail interentreprises sans remettre en cause l’organisation du système français.
1 – La prévention de la désinsertion professionnelle : l’accord affirme que la prévention de la désinsertion professionnelle nécessite un repérage précoce et une meilleure collaboration entre médecins de ville, du travail et conseil : systématisation des visites de reprise, de pré-reprise, et mise en place une visite de mi carrière pour repérer une inadéquation entre le poste de travail et l’état de santé. L’accord prévoit la mise en place, au sein des SSTI, renommés SPSTI pour intégrer prévention, de cellules de prévention de la désinsertion professionnelle. L’objectif est d’apporter des solutions personnalisées avec un plan de retour au travail formalisé entre l’employeur, le salarié et la cellule PDP.
2 – Pour mieux tracer les expositions chimiques, un document unique archivé : l‘accord prévoit la conservation des versions successives du document unique pour faciliter la traçabilité et propose une information synthétique extraite des différents documents qui traitent du sujet (fiche d’entreprises, fiches de données et de sécurité…). La traçabilité collective doit permettre d’évaluer la polyexposition des salariés aux produits chimiques du fait de l’effet combiné qu’ils peuvent produire. Les partenaires sociaux ouvrent aussi la voie vers le suivi post professionnel.
3 – Les risques psychosociaux en première ligne : L’ANI comprend une liste, présentée comme exhaustive, des risques professionnels parmi lesquels figurent les RPS. Les partenaires sociaux valorisent la démarche de prévention préconisée dans le rapport Gollac.
4 – Un passeport prévention attestant des formations en santé-sécurité des salariés à créer . L’accord prévoit la création d’un passeport prévention pour tous les salariés et apprentis, attestant de la réalisation de formations généralistes communes à tous et de formations plus spécifiques dont le contenu serait défini par les branches.
5 – La médecine de ville associée : l‘ANI prévoit la mise en place par le SSTI d’une liste de médecins praticiens correspondants, -MPC- qui pourraient réaliser des visites médicales initiales, périodiques et de reprise pour les salariés sans surveillance spécifique ; reste à définir le protocole encadrant cette mission. L’accord rappelle les tâches incombant au médecin du travail tout en en envisageant d’élargir l’action des infirmiers en pratiques avancées formés en santé au travail.
6 – Aux SPSTI, un cahier des charges à fixer : à partir du constat de l’ insatisfaction de certains employeurs du service rendu par les SSTI, l’accord veut les moderniser et revoir leurs missions avec une offre socle minimale imposée autour de 3 missions : prévention en général, suivi individuel des salariés et prévention de la désinsertion professionnelle. Une certification est prévue à partir d’un cahier des charges élaboré paritairement, attestant du respect de l’offre socle. Des prestations complémentaires, facturées en plus, sont possibles.
7 – Les branches professionnelles mobilisées : les partenaires sociaux invitent les branches à négocier des accords sur le sujet et à se doter d’une commission paritaire dédiée à la santé et à la sécurité au travail.
8 – La même organisation conservée : l’accord ne réforme pas le système et conserve le statut associatif des SSTI avec un maillage territorial fondé sur une taille pour les services, impliquant des fusions. L’idée d’intégrer l’Anact à l’INRS et celle de séparer les missions de contrôle et de conseil des Carsat ne sont pas reprises.
9 – … ou presque : la nouveautéen matière d’organisation du dispositif est la création d’un comité national de prévention santé au travail au sein du Coct et de ses équivalents régionaux. Leurs missions s’étendent à l’élaboration du cahier des charges de certification des SSTI, la définition d’indicateurs d’évaluation des services, ou encore l’évaluation de leur rapport qualité prix. Ces instances devront promouvoir l’action en réseau, notamment pour favoriser les actions en matière de qualité de vie et conditions de travail –QVCT-.
10 – L’obligation de moyens rappelée : l’accord rappelle la jurisprudence selon laquelle l’employeur est considéré comme ayant rempli ses obligations en matière de santé et sécurité s’il a mis en œuvre des actions de prévention relatives aux risques identifiés.
Pour en savoir plus : https://www.editions-legislatives.fr/actualite/negociation-sante-au-travail-les-10-commandements-de-l-accord-conclu-hier
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