Archives de Tag: Surcharge de travail

Prise d’acte aux torts de l’employeur: manquements anciens et persistants.

Des manquements ayant persisté pendant 20 ans et ayant conduit le salarié à l’épuisement sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifient la prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur.

Pour mémoire, il est reconnu que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements de l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail, ce qui ne peut pas être le cas, en principe, de manquements anciens. Ceci implique que le salarié agisse vite en justice : le temps écoulé entre la date des manquements imputés à l’employeur et la prise d’acte constituant un élément d’appréciation essentiel dans la détermination de la gravité des faits empêchant la poursuite du contrat de travail.L’absence de réaction d’un salarié pendant une certaine durée à un ou plusieurs manquements de l’employeur ne suffit pas pour autant à faire produire à la prise d’acte les effets d’une démission:  le juge ne pouvant pas écarter les manquements au seul motif de leur ancienneté. Il doit apprécier la réalité et la gravité des manquements pour décider s’ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Ainsi, il a été jugé que, malgré leur ancienneté, des faits de harcèlement à l’encontre d’un salarié, en arrêt de travail depuis 18 mois au moment de la prise d’acte, justifiaient la rupture aux torts de l’employeur.

Dans un arrêt du 15 janvier 2020, la Cour de cassation confirme ce principe en approuvant un arrêt d’appel ayant fait droit à la demande d’un salarié protégé de requalification de son départ à la retraite en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement nul.

Les juges du fond ont ainsi relevé que le salarié avait été l’objet pendant 20 ans

-d’actes d’intimidation, d’humiliations, de menaces,

-d’une surcharge de travail et d’une dégradation de ses conditions de travail, de nature à affecter sa santé, l’ayant conduit à l’épuisement et à l’obligation de demander sa mise à la retraite,

-d’une discrimination syndicale dans l’évolution de sa carrière et de sa rémunération.

C’est l’ancienneté des faits, leur persistance et leurs conséquences sur la carrière du salarié qui sont retenues comme circonstances aggravantes, conduisant à retenir l’existence d’un manquement de l’employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Pour en savoir plus  : Cas soc 15 01 2020

http://fl.fr/actualites/social/cessation-du-contrat-de-travail/details.html?ref=f61b9e74a-bfc9-489c-b8f8-a9328b95a079&eflNetwaveEmail=

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Principe d’adaptation du travail à l’homme: commentaire de l’arrêt de la Cour d’appel de Douai du 30 11 18.

La cour d’appel de Douai (30 11 1018) s’est fondée sur le principe d’adaptation du travail, un des 9 principes généraux de prévention, dans une affaire de harcèlement moral lié à une surcharge de travail. Hervé Lanouzière, membre de l’Igas et ancien directeur de l’Anact propose, dans un article publié  le 10 09 19, par les éditions Lamy, une analyse d’une amorce d’évolution de jurisprudence …

Contexte : action d’une salariée contestant son licenciement pour inaptitude médicale et invoquant sa nullité pour des faits de harcèlement moral et violation du principe d’adaptation du travail à l’homme (article L 4121-2 du code du travail).

Faits: une  assistante RH est affectée au poste de chargé de clientèle; après un arrêt maladie, le médecin du travail la déclare inapte à son poste en préconisant  un poste identique dans un environnement différent, ceci aboutissant à un licenciement  pour inaptitude.

Contentieux .Le CPH ayant validé le licenciement, la salariée demande en appel sa nullité pour manquement de l’employeur à son devoir de prévention du harcèlement moral en se fondant sur  des conditions de travail sous pression, une surcharge de travail avec heures supplémentaires non rémunérées, une évaluation dévalorisante, un avertissement injustifié, tout ceci ayant eu des conséquences sur son état de santé.
L’employeur soutient que la salariée a été avertie dès sa prise de fonctions de la difficulté de son poste, de la charge de travail, et que d’autres chargés de clientèle exerçant les mêmes fonctions dans les mêmes conditions n’ont fait état d’aucune surcharge ou de pression et considère que l’état de santé de la salariée n’est pas lié à ses conditions de travail.

Dans son arrêt, la cour de Douai rappelle que :* le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité peuvent résulter des méthodes de gestion de l’employeur ou d’un supérieur hiérarchique : * l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser, ne méconnaît pas l’obligation légale de sécurité à sa charge.

Les juges d’appel ont en l’espèce relevé que :

*en tant que chargée de clientèle la salariée était chargée du suivi du nettoyage de 75 agences  impliquant les relations avec les clients, la gestion de production et administrative  et  le management.

*une collègue ayant été arrêtée pour maternité, la salariée a dû prendre en charge  65 agences supplémentaires, ce qui établit que ce remplacement a nécessairement entraîné pour elle une charge supplémentaire.
* la salariée, devant gérer 2 portefeuilles et devant passer sur les sites tard le soir, effectuait des journées de 12 heures sans aide, travaillait tous les samedis matins sans être rémunérée et transmettait de nombreux courriels en dehors de ses horaires de travail.

*des témoignages démontrent le responsable d’agence, alerté à plusieurs reprises sur la fatigue physique et morale de la salarié, n’a pas réagi.

*des pièces médicales attestent l’altération de la santé entraînant des arrêts de travail pour burn-out.

La cour a en conséquence  estimé que non seulement l’entreprise ne justifie pas avoir mis en œuvre les mesures de prévention prévues par le code du travail et notamment celles permettant d’adapter le travail à l’homme en particulier, mais qu’informée de la situation, elle n’a pris aucune mesure immédiate propre à faire cesser les faits susceptibles de porter atteinte à la santé de la salariée. L’arrêt, infirmant le jugement de première instance, reconnait que la salariée a été victime d’un harcèlement moral.

Commentaires :
Le principe d’adaptation résulte de l’article L. 4121-2 4° CT: « adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ». Adaptation est utilisée ici dans le sens d’approprier =  penser le travail et l’ajuster à ses besoins pour en faciliter la réalisation, voire en améliorer le résultat.

Adapter le travail à l’homme participe aussi à la prévention des discriminations car ce principe suppose de ne pas renoncer à la prise en compte des facteurs individuels (âge, formation,  expositions, taille, sexe, état de santé…) sans pour autant en faire des critères de sélection : il ne s’agit pas de concevoir un poste standard pour un salarié moyen mais un poste adaptable,  indépendamment des caractéristiques individuelles de celui qui l’occupe.

A retenir : la Cour d’appel de Douai rappelle que l’obligation d’adaptation du travail au sens de travail approprié énoncée au 4° de l’article L. 4121-2 revêt un caractère universel et s’applique de la même manière aux activités de service, lesquelles ne sont pas exemptes de risques professionnels, en particulier de risques psychosociaux (RPS) ; il appartient  à l’employeur de les évaluer et de mettre en place, au vu du résultat de cette évaluation pour « une organisation et des moyens adaptés ». En l’espèce,  la cour a identifié les méthodes de travail (durée, organisation du temps de travail, cadence, intensité) pour conclure à cadre organisationnel inapproprié dans lequel la salariée avait été placée.

Le terme adaptation dans les principes généraux de prévention peut aussi être utilisé au regard de l’article  L. 4121-1, dernier alinéa : « l’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. » Le changement de circonstances  constitue le déclencheur décisif de la nécessité d’adaptation : des mesures de prévention, satisfaisantes à un moment donné, doivent être révisées au regard de circonstances nouvelles. Ceci suppose une attitude proactive pour mettre à niveau le cadre dans lequel s’exerce le travail chaque fois que les circonstances le justifient.
L’arrêt de la Cour d’appel de Douai met bien en évidence la survenue d’un changement de circonstances constitué par l’arrêt de travail prématuré d’une salariée enceinte. Bien qu’il reconnaisse la difficulté du poste, l’employeur lui transfère la charge de travail de sa collègue, sans considération des effets sur ses conditions de travail : il lui appartenait  d’examiner les adaptations de l’organisation du travail rendues nécessaires pour rendre cette charge de travail soutenable. 

En soulevant le non-respect de l’un des neuf de prévention, l’arrêt souligne le fait que l’employeur n’a pas pris toutes les mesures requises par le code du travail du travail ;  l’exigence de prendre toutes les mesures prévues à l’article L. 4121-1 vise 3 catégories d’action : prévention des risques,  organisation et  moyens adaptés, information et formation. Il s’agit d’obligations cumulatives, ce qui suppose d’agir simultanément sur les trois registres. Le plan d’action doit distinguer, pour chacun des volets technique, organisationnel et humain, les mesures de court terme d’une part (réduction immédiate des risques) et celles de moyen et long terme d’autre part (amélioration durable de la prévention, généralisation…) .

A souligner sur un plan plus général que  l’ambition première du 3ème Plan santé au travail est de diffuser la culture de prévention auprès des employeurs et des travailleurs pour s’approprier la démarche de prévention.

https://www.actualitesdudroit.fr/browse/social/sante-securite-et-temps-de-travail/23266/adapter-le-travail-a-l-homme-la-portee-pratique-et-juridique-insoupconnee-d-un-principe-essentiel-de-la-sante-au-travail

 

 

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Enquête Absentéisme au travail

Ifop et Securex, livre les résultats d’une enquête sur l’absentéisme au travail réalisée auprès de 1 300 actifs.

A retenir

*40 % ont été absents au moins 1 journée en 2016.

*87 % des arrêts maladie ont pour raison évidente la santé,

*mais d’autres raisons sont invoquées dans 13% des cas:

  • convenance personnelle (19 %),
  • surcharge de travail (21 %),
  • absence de motivation (18 %)
  • conflit avec un collaborateur (13%)
  • A noter que  20 % des interrogés estiment qu’ils auraient pu venir travailler au lieu de s’arrêter.

Pour en savoir plus :http://www.ifop.com/media/poll/3760-1-study_file.pdf

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