Dans un monde du travail en pleine évolution, l’anxiété sociale s’accentue dans les entreprises, un phénomène source de souffrance que les DRH et les managers ignorent trop souvent, Itv Patrick Légeron, psychiatre et fondateur du cabinet Stimulus.
Pourquoi avoir co-écrit un livre sur la « nouvelle peur » des autres ? Les relations humaines ont été complètement bouleversées avec les réseaux sociaux , du travail à distance, des réunions en visioconférence, ce qui a impacté une pathologie, un trouble psychologique : l’anxiété sociale. Il s’agit du fait de se sentir mal à l’aise voire en panique complète lorsqu’on se trouve face aux autres. Spécialisé sur la thématique du monde du travail, j’ai été très sensible, dans l’écriture de ce livre, à aborder l’impact considérable que les bouleversements sociétaux ont généré sur le monde de l’entreprise.
L’anxiété sociale et la timidité existent depuis toujours. Mais en 30 ans, les modes de relation ont beaucoup évolué. L’ouvrage comprend de nombreux témoignages montrant à quel point l’anxiété sociale est pour le salarié, une source de gêne, de souffrance et d’entrave au développement de sa vie professionnelle.
L’épidémie de Covid-19 a amené les individus à prendre de la distance vis-à-vis du monde du travail, et pas seulement physiquement. Pour certains, les confinements ont été un soulagement, ces personnes ont ayant eu le plus de mal à retourner au bureau. De nombreux DRH ont eu des difficultés pour faire revenir les salariés qui ont été habitués au distanciel en raison du confort de vie, ne pas devoir prendre les transports en commun ; mais aucun n’a suggéré que c’était aussi parce que se retrouver en groupe est quelque chose qui les gêne, et que se retrouver seul chez soi les protégeait de leur anxiété sociale.
De même les visioconférences ont parfois été dures pour certains salariés: ne plus faire de réunions en groupe dans une salle fut un soulagement pour beaucoup au début, avant de considérer que les réunions à distance étaient extrêmement stressantes. En vidéo, difficile de se faire oublier, avec votre visage en vignette, si bien que des collaborateurs prétextent des problèmes de connexions ou de caméra du fait de la gêne liée au fait de se sentir observés.
La montée des soft skills (dimensions comportementales) et l’importance accrue du collectif.(relations avec les autres, communication ) créent pour certains anxiété sociale, terreur et souffrance.
Quel rôle des DRH ? Il s’agit d’une vraie urgence, car il en va de la santé mentale et de la carrière des salariés/ risques de burn-out et stress s’ajoutent aux RPS: charge de travail , difficultés d’emploi du temps…Une phobie sociale intense peut conduire à dépression, épuisement professionnel, voire suicide. Discret, ce trouble mental. très présent dans la population, se retrouve au travail, d’une manière moins visible. Les professionnels des RH et les managers doivent connaître l’existence de cette pathologie pour comprendre et repérer les personnes atteintes d’anxiété sociale. Souvent perçus comme hautains, fermés et désagréables, ils éprouvent une réelle phobie sociale, réelle frein à leur développement professionnel et à leur bien-être..
S’agissant de la place du télétravail, les DRH doivent aussi retenir qu’il s’agit à la fois d’un refuge et d’une source d’anxiété (visioconférence) pour les anxieux sociaux. D’où la nécessité de se poser des questions : peur, gêne dans leur contact avec les autres ? Un signe de mal-être au travers d’un refus d’une promotion ?..
Faut-il former les professionnels RH et les managers pour qu’ils le soient davantage ? Les DRH comme les managers doivent être extrêmement attentifs aux signes précités et suivre des formations professionnelles, pour repérer les collaborateurs en difficulté. Les difficultés étant identifiées, il est possible de dialoguer avec les salariés concernés, les accompagner et les conseiller (via des hotlines de psychologues ou recourir à des coachs, partager des techniques de gestion du stress…). Le rôle des professionnels RH et des chefs d’équipe est aussi de leur faire prendre conscience qu’ils ont besoin d’aide.
Les DRH doivent finalement comprendre que dans RH, il y a le H d’humain, et qu’ils sont confrontés à des personnes avec leurs ressentis, leurs émotions. Les ressources humaines doivent être plus attentives à ce qu’il y a de plus humain , les émotions. Or, celle qui peut être la plus destructrice au travail, c’est l’anxiété sociale.