Le contrôle administratif du motif économique de licenciement d’un salarié protégé ne doit pas conduire à exiger que la décision prise par l’employeur soit « strictement nécessaire » à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. L’employeur reste maître des choix de gestion.
Dans le cas d’une proposition de modification du salaire pour motif économique rejetée par un salarié protégé, l’inspecteur du travail doit rechercher si la modification du contrat était elle-même justifiée par un motif économique. Le contrôle du motif économique s’exerce dans les mêmes conditions qu’en cas de licenciement faisant suite à une suppression d’emploi.
En l’espèce, le salarié protégé, élu du personnel, s’était vu proposer une modification de sa rémunération pour un motif économique. La société souhaitait mettre en œuvre une réorganisation jugée nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, dans un contexte de modification des normes européennes concernant les entreprises d’investissement, et d’une concurrence accrue sur le marché des services financiers. Le salarié ayant refusé la modification de sa rémunération, l’employeur avait sollicité une autorisation de licenciement, qui avait été délivrée par l’inspection du travail.
La décision annulée par le tribunal administratif et approuvée par la cour administrative d’appel qui a reproché à ’inspecteur du travail d’avoir autorisé le licenciement sans avoir recherché si la proposition de modification du contrat était « strictement nécessaire » au motif allégué, à savoir la sauvegarde de la compétitivité.
Le Conseil d’État énonce qu’en posant cette exigence, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit : l’inspecteur du travail doit s’assurer que la modification est « justifiée » par le motif économique, et non pas « strictement nécessaire » En conséquence, le contrôle de l’administration s’arrête à la vérification d’une situation économique pouvant se traduire par la proposition de modification du contrat, sans exiger que cette dernière soit la seule solution possible pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.
Le contrôle du juge est enserré entre une limite basse selon laquelle le licenciement doit être nécessaire à la sauvegarde d’une compétitivité réellement menacée et une limite haute selon laquelle il n’est pas nécessaire que le licenciement soit « indispensable » à cette sauvegarde, car le juge ne doit pas substituer son appréciation des choix de gestion à celle de l’employeur.
Cette solution rejoint celle adoptée par l’assemblée plénière et la chambre sociale de la Cour de cassation, selon laquelle il n’appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l’employeur entre les différentes solutions possibles pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise
Pour en savoir plus : CE 15-11-2022 n° 449317