Archives quotidiennes : 10 Mai 2021

Mieux prévenir les coûts cachés de la crise selon Estelle Sauvat, DG du groupe Alpha

Le coût de la crise ira bien au-delà du seul coût monétaire des dispositifs d’aides publiques déployés, dont le montant a été revu en mars 2021 à 160-170 Mds.  Le coût économique  s’apprécie de manière plus large et on peut en tirer un bref diagnostic chiffré, à partir de la perte du revenu national. Sur 2020, selon l’OFCE, l’Etat aurait supporté 65 % des pertes de revenu national, les entreprises 31 % et les ménages moins de 4 % ; le revenu des Français a, pour sa part, été globalement maintenu et que l’épargne accumulée (160 à 200 M€) pourrait jouer un rôle d’amortisseur de futurs chocs économiques, si elle n’était pas exagérément concentrée sur les plus riches.

Ces éléments dissimulent des coûts sociaux, déjà en hausse, même s’il est encore difficile d’en mesurer les coûts précis. Sur le plan sanitaire, les effets du Covid-19 devraient continuer à se diffuser, du fait du report des soins durant les phases de confinement ou de la non-prise en charge de certaines maladies graves.  A ce stade,  on évalue ce qui est mesurable et visible, mais les mouvements en profondeur, impliquant des coûts invisibles et durables sont à redouter. En cette fin de période de troisième confinement, la vague des restructurations et des défaillances d’entreprises pourraient activement reprendre, dès lors que les mesures d’aides s’estomperont et ne les contiendront plus. Cela induit l’augmentation des ruptures individuelles, dont les moyens d’accompagnement sont souvent très limités comparativement aux dispositifs collectifs. Le risque d’isolement pour ces personnes peut avoir de lourdes conséquences socio-économiques : pertes de compétences et de confiance, appauvrissement progressif…

La crise frappe aussi les plus précaires : augmentation du chômage (+0,9 point en 2020) et  hausse de la pauvreté (143 100 allocataires supplémentaires du RSA en 2020). L’éventuelle réorientation de ces populations risque d’être difficile. L’impact sur les débouchés sur l’emploi des jeunes et des étudiants n’est pas non plus sans conséquence : précarisation économique, isolement,  ruptures scolaires, affectives, psychologiques..

Dans les entreprises et pour les salariés seniors, on constate une accélération des plans de pré-retraites qui pourraient durablement fragiliser la reprise : perte de compétences et de savoir-faire potentiellement néfaste  pour les entreprises elles-mêmes et pour les jeunes, faute d’une transmission adéquate.

A souligner qu’une forte progression des troubles psychologiques se dessine et plus fréquemment  chez les jeunes et les femmes. Dans les entreprises, on ne peut ignorer le développement des risques psychiques, lié à la perception, pour de nombreux salariés, d’une dégradation du sens donné au travail ; en  2020, au-delà du seul phénomène du Covid-19, l’absentéisme s’est accru, bien qu’en partie masquée par le chômage partiel et le télétravail…

Tous ces risques sanitaires et sociaux à retardement méritent d’être identifiés, maîtrisés, résorbés progressivement. La sortie de crise invite  les dirigeants et DRH à redéfinir les modèles existants, pour certains, à anticiper de nouvelles organisations et un nouveau rapport au travail, qui intègrent l’évolution des attentes citoyennes.

Investir des espaces de discussion entre employeurs et représentants du personnel, en mobilisant plus intensément les commissions SSCT au sein des CSE, est une voie pour  limiter les coûts du désengagement. En mobilisant de concert le sens donné au travail, à l’action collective, aux nouveaux modes de collaborations, ferments de l’élaboration de nouveaux pactes de confiance entre directions, représentants du personnel et salariés.

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